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Éditions de La Différence

(Septembre 2013)
192 pages - 8 €
Francis de MIOMANDRE

(1880-1959)


Écrit sur de l'eau





Aux éditions de la Différence, vient de paraitre Écrit sur de l'eau de Francis de Miomandre ; mais hors de question pour ce premier roman d'espérer, malgré ses qualités, la moindre voix d'un membre du jury du prix Goncourt que l'on décernera cette année le 4 novembre. Et cela pour la simple raison que cet ouvrage a déjà eu l'honneur de recevoir ce prix en 1908 (Miomandre avait 28 ans) en laissant cloués sur le siège de leur déception Henri Barbusse, Amédée Rouquès et Jean Violis.
Pour mémoire, parmi les membres du jury, il y avait entre autres cette année-là : Léon Daudet, Jules Renard, Octave Mirbeau et Léon Hennique (son président).
Ainsi, tel un scaphandrier remontant, sans se soucier des divers paliers de décompression (cent-cinq ans de vie littéraire et d'honorables récompenses), émerge à nouveau Écrit sur de l'eau pour venir dans sa belle réédition de la Différence sur les tables de nos librairies parmi les Goncourables de cette année.

Le jeune Jacques de Meillan (alter ego de Francis de Miomandre) héros de ce roman, évolue dans le Marseille de la petite aube du XXe siècle. On le suit au fil de l'eau dans son apprentissage sentimental. Le thème est badin et l'écriture, légère et sans aucune boursoufflure de style, dégage à sa lecture un charme désuet et vaporeux. Sorte de petit éloge à la jeunesse et à l'amour d'un tout jeune homme dont la sève traverse corps et esprit de bouillonnants désirs. Dans l'avant-propos de ce livre, Miomandre avertissait ainsi ses lecteurs de l'époque : Il ne demande aucun effort pour être lu. Que tu l'ouvres par le milieu, il te sera aussi intelligible que si tu l'abordes au premier chapitre. Pareil à l'éternité, il n'a ni commencement ni fin, mais il est moins long. Curieux conseil d'un romancier sur sa propre production. Mais si étrange que cela puisse paraître cela fonctionne.

André Gide perplexe, dans la Nouvelle Revue Française, note à propos d'Écrit sur de l'eau : Sur quel ton parler de ce livre léger ? Léger comme une bulle, inconsistant, bizarre, il se dérobe sous la critique et semble sans cesse en formation. Il pourrait être insupportable ; il est charmant.

Francis de Miomandre (1880-1959) a publié plus de quatre-vingts romans, essais et recueils de poèmes depuis l'attribution de son prix Goncourt. Il sera également le traducteur d'auteurs espagnols tel qu'Asturias, Unamuno, Cervantès, etc. Il fréquenta et se lia d'amitié, pendant cette période d'entre-deux guerres, avec la plupart des écrivains de l'époque : Gide, Suarès, Larbaud, Breton pour ne citer que ceux-là.
Puis tombera dans l'oubli, comme on tombe d'une estrade…

Bien des auteurs disparus dans les mouvances sablonneuses des modes et du goût du jour (la liste, nous le savons, est bien longue) ne doivent leur probable renaissance qu'au hasard des lectures d'un écrivain ou d'un passionné de littérature. Pour Francis de Miomandre, cet homme providentiel se nomme Remi Rousselot qui, parallèlement au roman Écrit sur de l'eau, publie, toujours aux éditions de la Différence, une biographie de l'auteur : Francis de Miomandre, un Goncourt oublié. Elle couvre la vie de l'écrivain de 1907 (année précédant le Goncourt) jusqu'à sa mort.
Riche des archives de l'auteur déposées à la Bibliothèque Nationale d'Espagne, archives entassées dans la salle Cervantès et jouissant d'une profonde indifférence de la part des conservateurs, Rousselot établira une agréable biographie truffée d'anecdotes, de documents et de références à des artistes de l'époque. Et je dois avouer qu'à sa lecture il m'a semblé parcourir un roman.

Écrit sur de l'eau fut publié à compte d'auteur et à cinq cents exemplaires par une maison marseillaise : Le Feu, dirigé par un certain Émile Sicard. Miomandre s'attendait si peu à recevoir, pour son premier roman, une telle récompense que lorsque le verdict tomba signé de la main de Léon Hennique président de l'académie, il restait des cinq cents exemplaires une petite douzaine qui se vendit dans l'heure. Sicard et son imprimeur, se précipitèrent à Paris bien décidés à noyer les libraires de la nouvelle édition de ce Goncourt inespéré. Mais mal outillés et si heureux de découvrir les charmes et les plaisirs de la capitale vers lesquels ils fondirent, ils ne trouvèrent pas le temps pour cette réimpression. Lorsqu'enfin les volumes sortirent de presse, il était trop tard. La gloire littéraire est ainsi faite : foudroyante mais brève.
Miomandre avoue, sans aucun regret ni aucune rancune, avoir mis plus de sept ans pour écouler les trois milles exemplaires qu'il avait prévus pour sa gloire.
C'est là une des anecdotes de la biographie de Remi Rousselot. Une anecdote, avouons-le, bien croustillante.

Il me paraît nécessaire, mais non obligatoire, de lire le roman et la biographie (dans l'ordre que l'on veut) l'un après l'autre. Les deux sont un véritable plaisir de lecture et comme nous dit Valéry Larbaud : si le plaisir de lire est un vice, il est par chance impuni !

David Nahmias 
(21/10/13)    




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Pour mémoire





Francis de Miomandre
(François Félicien Durand)
(1880-1959)




Bio-bibliographie sur
Wikipédia






Remi Rousselot
Francis de Miomandre
Un Goncourt oublié

Biographie
La Différence
(Septembre 2013)
256 pages - 20 €





Éditions du Feu, 1908




Férenczi, 1923



Émile-Paul, 1947