Le 23 décembre 2021 mourait, à l’âge de 87 ans, Joan Didion. Journaliste, romancière, essayiste et scénariste, elle laissait derrière elle cinq romans, une dizaine d’essais, dont le magnifique L’Année de la pensée magique, et de très nombreux articles.

Hasard de l’édition, moins d’un mois après sa mort paraissait Pour tout vous dire, recueil de douze chroniques admirablement préfacé par l’académicienne Chantal Thomas. Au fil de ces textes, écrits entre 1968 et 2000, on retrouve le regard affûté et souvent drôle que portait Joan Didion sur l’Amérique contemporaine, sur sa presse, sa politique, ses excentricités et sa poésie.

C’est ainsi avec une vraie gourmandise qu’on laisse Joan Didion nous guider dans les méandres de San Simeon, le palais que s’est fait construire le richissime homme d’affaires William Randolph, nous introduire dans une réunion des Joueurs anonymes, ou nous présenter l’incroyable empire que Martha Stewart a créé autour de sa propre personne.

Mais le recueil ne se limite pas à ces visions de la société américaine et gagne en profondeur dans les véritables petits essais qu’elle consacre à l’art d’écrire, le sien et celui des autres. En effet à travers plusieurs exercices d’admiration, c’est successivement l’œuvre d’Hemingway (de son usage de la ponctuation à sa postérité), l’art de Robert Mapplethorpe et la boulimie créatrice de Tony Richardson qui sont convoqués et décortiqués pour tenter de s’approcher au plus près de ce que veut dire « être un artiste ».

Enfin, dans deux textes qui se font écho et qui forment le cœur de recueil, « Raconter des histoires » et « Pourquoi j’écris », Joan Didion revient, avec sincérité et humilité, sur ses propres échecs et se questionne sur son métier d’écrivain : « Je n’écris que pour découvrir ce que je pense, ce que je regarde, ce que je vois et ce que ça signifie. Ce que je veux et ce que je crains. »

C’est donc un chemin dans la vie et l’écriture de l’autrice qu’esquissent ces chroniques, publiées en français pour la première fois par Grasset dans une traduction de Pierre Demarty. Pour tout vous dire nous offre le grand plaisir de retrouver le regard tendre et acéré, lucide sur elle et ce qui l’entoure, de Joan Didion.

Et, pour les lecteurs qui ne seraient pas familiers de l’œuvre de l’écrivaine américaine, la préface de Chantal Thomas constitue une parfaite porte d’entrée puisqu’elle mêle aux repères biographiques les questions de théorie littéraire que n’a cessé de se poser Joan Didion, depuis ses premiers articles écrits pour Vogue jusqu’à sa mort.
Des petits textes pour retrouver la grande Joan Didion !

Amandine Farges 
(04/03/22)