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Jean-Baptiste CLÉMENT


La Revanche des Communeux



C'est une voix qui vient de loin et qui nous parle cependant de choses actuelles, qu'il s'agisse de justice sociale, de lutte contre la misère ou de démocratie libérée des puissances de l'argent. C'est la voix de Jean-Baptiste Clément, auteur du Temps des cerises, une chanson que l'on fredonne encore même si on ne connait pas grand-chose à la Commune.

De la Commune, il n'est question que de cela dans La Revanche des Communeux. Publié en 1886, ce livre n'avait jamais été réédité. On peut s'en étonner, tant il s'agit d'un document riche qui ravira autant les historiens que tous ceux qui, par sensibilité ou démarche politique, voient dans la Commune un exemple toujours vivant de gouvernement prolétarien.

Cependant, pour l'approcher, il convient de remettre les choses dans leur contexte. Au moment où Jean-Baptiste Clément publie son livre, quinze ans à peine ont passé depuis l'insurrection parisienne. Les Communards ont été amnistiés en 1880. La construction du Sacré-Cœur est entamée depuis 1873 afin "d'expier les crimes de la Commune", selon l'expression consacrée de l'époque. La Troisième République est établie. En clair, imaginons un livre publié aujourd'hui et qui évoquerait des évènements qui se seraient déroulés en 1996. On parlerait d'histoire récente et les différents acteurs qui le composeraient seraient encore vivants pour la plupart. Pour le lecteur, il serait assez facile de saisir les enjeux de tel ou tel débat, voire même d'y mettre sa propre réflexion en fonction de l'atmosphère du temps présent.

C'est avant tout dans cette perspective que Jean-Baptiste Clément écrit son livre. La première partie, dédiée aux combattants de 1871, se donne pour but de rétablir la vérité, face à une presse et une opinion publique qui considèrent surtout la Commune comme une aberration politique (sur ce sujet, voir la correspondance de Flaubert et ce qu'en a dit Maxime du Camp). Jean-Baptiste Clément, loin de s'assagir, nous donne d'ailleurs la clé de son titre : "C'est un titre de combat, car je considère l'époque que nous traversons comme un armistice." L'ancien Communard reste donc un combattant révolutionnaire, fier de son drapeau rouge et la mémoire encore fraîche de tous ses frères tombés sous la mitraille des Versaillais.

La seconde partie du livre prend appui sur l'enquête parlementaire censée faire toute la lumière sur l'insurrection ouvrière. Occasion pour Jean-Baptiste Clément de donner libre cours à sa verve de satiriste et de portraitiste, mais pas seulement : son exigence de vérité retourne un à un les arguments des parlementaires réactionnaires, preuves à l'appui et décrets en main (ceux de la Commune). L'historien se fait polémiste ; il ne s'agit plus seulement de défendre une mémoire : il s'agit surtout d'argumenter en faveur d'une expérience politique qui, si elle n'est pas exempte d'erreurs et d'excès, vaut pour les temps à venir. Jean-Baptiste Clément n'a pas renoncé à son combat. Bien plus, la vue de la misère continue de le révulser au plus haut point comme le montre l'évocation de cette jeune femme qui, pour y échapper, choisit de se jeter dans la Seine avec son enfant. L'emploi du présent, dans cette scène pathétique, montre au lecteur combien elle n'a pas disparu avec la Troisième République…

Et aujourd'hui, dira-t-on, quel peut être l'intérêt de lire ce livre ? Pour ne pas oublier, répondra-t-on. Et pour comprendre surtout que la justice sociale n'est jamais donnée aux peuples, mais qu'elle est toujours le fruit d'un combat entre des forces antagonistes.

Pascal Hérault 
(24/12/11)    





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Pour mémoire








Le bruit des autres

240 pages - 12 €

Préface de
François Perche





Jean-Batiste Clément
(1836-1903)


Bio-bibliographie sur
Wikipédia




La tombe de
Jean-Baptiste Clément
au Père Lachaise