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L’étoile Absinthe est un texte inachevé, non daté mais vraisemblablement commencé vers 1960, interrompu par l'arrestation de son auteur par les ''tontons macoutes'' en 1961. Jacques Stephen Alexis, militant communiste opposé à la dictature Duvalier et écrivain culte pour les Haïtiens, avait alors 39 ans. Son assassinat dans les semaines qui suivirent se fit en toute discrétion. Cette esquisse en 3 chapitres est la suite des aventures de Niña Estrellita, la jeune et belle prostituée cubaine du Sensation Bar de Port-au-Prince, héroïne de L’espace d’un cillement. Au port, l'affaire est vite conclue avec le capitaine du Dieu-Premier. Quand l'ancre est levée, la jeune femme, tranquillisée par la protection rapprochée de Célie qui semble parfaitement maîtriser l'affaire, est ravie de cette aventure où elle pense n'avoir pas grand-chose à perdre et tout à découvrir. Elle ouvre grand ses yeux et ses oreilles, observe l'équipage, profite de la beauté de ce qui l'entoure, s'émeut de la jeunesse de Déodat, le petit mousse.... Devant cette vision de l'enfer avec la fureur des éléments déchaînés et celle que l'équipage met à les contrer, avec cette violence et cette urgence ultime qui s'imposent à elle, une foule de questions s'agitent dans la tête douloureuse d'Eglantine. Comment tricher avec soi-même quand on sent déjà l'appel des morts ?
L’étoile Absinthe s’inscrit dans la veine du « réalisme magique », mêlant délire baroque et réalité quotidienne de la population. Par sa plume l'écrivain parvient par ses mots à passer en quelques lignes de la vision, du vaudou et du surnaturel au monde intérieur de son héroïne sans jamais perdre de vue l'effort des corps au travail et la peur qui les habitent tous quant à l'issu de ce périlleux voyage. La langue de Jacques Stephen Alexis, nourrie de créole et d’espagnol, est jubilatoire, exubérante et inventive, jouant avec les métaphores, les clichés populaires appuyés et les trouvailles personnelles. Mais si la poésie, le fantastique et l'imaginaire populaire s'enlacent ici étroitement, le contenu de ces trois chapitres reste résolument ancré dans le réel et l'humain. Il paraît même fort probable que la violence de la tourmente qui fait ici sujet se pose comme un formidable écho à celle que subit toute la population haïtienne sous le joug du régime Duvalier, faisant des marins les représentants de tout un peuple en souffrance. En complément, à la fin du volume, l'éditeur nous offre une très courte nouvelle, rédigée en novembre 1956, où l'écrivain se dépeint en léopard. Si le lecteur ne peut qu'être frustré par l'interruption de ce roman prometteur au cœur même de son élan et de cette aventure aussi symbolique que charnelle et engagée, il n'en reste pas moins que c'est un vrai plaisir que ce commencement-là, livré à l'état brut à notre imagination et notre conscience. Merci à Zulma de se l'être procuré et de nous l'avoir fait découvrir. Dominique Baillon-Lalande (03/04/17) |
sommaire Pour mémoire Jacques Stephen Alexis (1922-1961) médecin et écrivain haïtien assassiné à 39 ans. Bio-bibliographie sur Wikipédia L'espace d'un cillement |
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