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Par ailleurs, Jeanne est aussi très complice avec son père, Cornil, qui projette de l’emmener en voyage à Angkor. C’est un secret entre père et fille laissant de côté la mère et épouse. Mais Cornil meurt. Jeanne apprend inopportunément, par sa mère, que ce dernier avait une maîtresse. Durand cette période difficile de deuil et de désolation à la suite de la cachoterie paternelle, Ferdinand fait tout pour distraire Jeanne et la soutenir. Mais Jeanne partira finalement à Angkor pour respecter le vœu de son père, laissant Ferdinand désemparé et quelque peu meurtri. Jeanne meurt dans un accident de train en Inde pendant son voyage. Pour Ferdinand, l’alchimie d’une vie d’amour rêvé se disperse dans le cafouillage d’un début de désenchantement vertigineux, mais l’irruption du réel ne rompt pas totalement le charme enjôleur des prémices passionnées. Commence alors une métamorphose inversant les rôles. « La Liseuse » se substitue à Jeanne. Afin de combler le vide de l’absente, Ferdinand retourne au musée. Il « n’était pas de ceux qui savent garder les personnes qui veulent le quitter mais le tableau, ("La Liseuse") en bon réserviste du passé, tenait son rôle de béquille dans le présent, même si depuis des années Béatrice avait réussi à le faire marcher sans boiter ». Jean-Daniel Verhaeghe nous fait cheminer dans un "réel magique" et redonne à Ferdinand le goût de la vie. Le récit met en scène une part d’imaginaire alternant avec une narration réaliste. Au cours d’une de ses visites au musée, Ferdinand "restaure" la magie amoureuse de l’être perdu. « Il perçut dans un souffle la voix de "La Liseuse" : « 11 h ce soir, la statue de Dumas », sur son visage il crut lire un sourire ». Le plus surprenant est qu’elle honorera sa parole. « – Excusez-moi pour ce rendez-vous tardif, il fallait que j’attende la fin du service des gens de ménage. "La Liseuse" était là, sur son côté droit ; Ferdinand ne l’avait pas vue arriver. Nue sous la blouse bleu pâle d’une femme de service, elle prit le bras de Ferdinand. "Il faut que je marche, allongée toute la journée c’est fatigant". La voix était douce mais sans affectation avec une pointe d’ironie ». La Liseuse est le récit nostalgique d’un amour de jeunesse dont l’épilogue reste inachevé pour Ferdinand, et qui continue à le hanter même si, entre temps, il a su grandir. Pour évoquer le passé et cette nostalgie Jean-Daniel Verhaeghe nous invite à partager l’exaltation d’une promenade enthousiaste avec des références artistiques participant à faire, pour Ferdinand, le portait de Jeanne et nourrir son sentiment amoureux à travers le temps. Ainsi défilent, au cours des pages avec l’assistance d’exemples et citations, autant de clins d’œil vers la peinture, le cinéma, la littérature et même la philosophie. L’art n’est pas synonyme de monde factice ou de rêve illusoire même si pour beaucoup l’activité artistique est perçue comme le refuge de doux rêveurs déconnectés. Il semble que l’art soit, pour Jean-Daniel Verhaeghe, sinon un remède du moins une piste pour une âme désorientée à un moment, un baume existentiel dont on aurait tout intérêt à se munir pour affronter la vie, avec ses hauts et surtout ses bas, garant de liberté. Toujours est-il qu’un passé empreint d’une certaine poésie enchâssée dans le présent enchante et fait entrevoir à Ferdinand, en forme d’excipit, que : « On ne meurt pas au passé ». Jean-Daniel Verhaeghe en proposant La Liseuse offre un précieux viatique pour ceux qui, à notre époque, seraient en perte de repères. Michel Martinelli (19/06/23) |
Sommaire Lectures Serge Safran (Juin 2023) 140 pages - 15,90 €
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