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Bernhard SCHLINK

La petite-fille


Entrer dans un livre de Bernhard Schlink, c’est toujours se préparer à découvrir une nouvelle facette de l’Allemagne. La petite-fille n’y fait pas exception puisque le roman nous plonge au cœur d’une Allemagne contemporaine troublante et dérangeante.
L’Allemagne de l’Est avant et après la réunification, tel est le terreau du roman. Mais à lire Bernhard Schlink, on peut se demander s’il y a bien eu réunification, si les deux Allemagne pourront un jour se comprendre, si elles veulent réellement se coyoyer. Ainsi en va-t-il des êtres qui, avant et après le mur, ont voulu s’unir. Ces êtres-là, en dépit de leur amour, peuvent-ils le faire ou seront-ils à vie séparés par l’Histoire, par la division de leur pays ?
C’est un tel couple que nous suivons, Birgit née à l’Est et Kaspar né à l’Ouest. Le roman s’ouvre sur la mort de Birgit et sur Kaspar fouillant dans ses affaires, remontant le cours de leur vie. Il constate bientôt que sa femme avait des secrets, des vérités cachées derrière le mur abattu qui, soudain, semble reconstruit tant Kaspar prend conscience que Birgit, intimement, n’avait jamais quitté l’Est. Elle y a en tout cas laissé une enfant. Plus exactement : elle y a abandonné une enfant.
Pour Kaspar et nous, les lecteurs, un voyage inattendu commence. Voyage dans le monde de l’extrême droite allemande d’où l’on ressort aussi médusé que consterné. Mais plus lucide. On sait désormais ce que sait Kaspar : l’Allemagne a cru qu’en abattant un mur elle ferait disparaître les séquelles de la seconde guerre mondiale qui l’avait engendré. Elle a cru que les atrocités du passé s’évanouiraient.
Mais le passé est là. Et chaque Allemand, semble-t-il, se construit en l’acceptant ou le reniant. Le mur, lui, s’est enkysté dans certains cœurs, certaines âmes, certains esprits. Kaspar en fera l’expérience en retrouvant l’enfant que Birgit avait abandonnée et en rencontrant sa fille, Sigrun, la petite-fille du titre. Il fera l’expérience de ce que les Allemands qui veulent renier les atrocités de la guerre ont un mur solidement bâti en eux. Comment les toucher, alors, ces êtres repliés sur une Allemagne de jadis, qu’ils voudraient encore voir toute puissante c’est-à-dire, pour eux, hitlérienne ? Comment lui, Kaspar, va-t-il pouvoir toucher Sigrund, issue de ce monde-là ? Comment la comprendre, l’approcher, la connaître ? Comment s’unir ?
Tout le roman est une réponse à cette question ou à ce défi. Et il faut lire, absolument, cette réponse. Cette histoire faite de paradoxes et de compromis, faite de patience et d’amour, les seuls leviers, comme toujours, contre la haine. Faite de culture aussi, dont Bernhard Schlink nous prouve heureusement toute l’étendue de la capacité libératrice.
La petite-fille. Un roman autant qu’une croisade pour un monde grand ouvert.

Isabelle Rossignol 
(27/03/23)    



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Lectures







Bernhard SCHLINK, La petite-fille
Gallimard

(Février 2023)
352 pages - 23 €


Traduit de l'allemand par
Bernard Lortholary



Bernhard Schlink,
né en Allemagne en 1944, nouvelliste et romancier , a notamment écrit Le liseur.

Bio-bibliographie sur
Wikipédia


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