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Collectif       (Les 12 lauréats du prix du Jeune Écrivain 2023)


Insectarium
et autres nouvelles



Le rideau de sa fenêtre retombe, et il s’allonge lourd. Que fait-il bien de ses jours ? Que fait-il – rien – de ses jours ? (Piero Camacho, Ville rêve)

Dans ce recueil de nouvelles pourtant écrites par de très jeunes hommes et de très jeunes femmes, 18 à 26 ans, francophones, du monde entier, Thanatos a définitivement tué Eros.  Il s’ouvre par la nouvelle éponyme du recueil, sur un enterrement où l’on soupçonne le jeune mort, homosexuel musulman, de s’être suicidé ou d’avoir été suicidé ; la deuxième nouvelle, Les Parapheurs, décrit comment en acceptant un travail rassurant, absurde et routinier,  au lieu de lutter pour ses aspirations, on ne vit plus,  on meurt à petit feu ; comment, dans Le dernier voyant on peut échapper à la solitude, à l’ennui, à l’enfermement, par le suicide ; dans Toutes les couleurs du monde, qu’un hôpital psychiatrique  peut être un refuge… Plus loin, dans deux autres nouvelles, La veuve noire et Tu ne mentiras point, l’enfance est battue, humiliée, violée, bâillonnée. Dans Ville rêve, une ville fantôme, comment ne pas être piégé par la perversité d’un immeuble conçu par un architecte voyeur ; on apprend dans Apprivoiser le fugitif comment préparer son suicide et son enterrement en gommant l’inanité de sa vie, en se fabriquant une vie passionnante sur internet, pour laisser aux autres un souvenir, factice, mais brillant…

Un recueil qui témoigne de l’angoisse des jeunes qui se sentent comme des insectes prisonniers d’un monde-bocal où ils étouffent, s’ennuient, se sentent menacés, par exemple vampirisés par leurs aînés comme dans la nouvelle La formule du Korrigan ; ou menacés d’exode dans Little Edenwood où les maisons disparaissent… Les seuls moyens de sortir de ce monde infernal étant le suicide, la folie, l’oubli, le faux-semblant, la fuite…

De petits rayons de soleil dans ce noir tableau conçu certainement dans les traces des quarantaines du Covid. Si la tempête fait rage autour du phare dans J’ai cru à l’accalmie, il fait bon à l’intérieur ; le sourire d’Aude au soleil couchant, même si le chagrin n’est jamais loin ; la découverte des couleurs par une jeune fille qui autrefois, en tant que chienne, voyait le monde en gris ; dans La veuve noire, le courage d’un petit garçon, qui aime fort sa maman et… les insectes ! 

Comment s’adresser à un monde malade sans hurler au secours mais…
Il ne sert à rien de vous avertir, vous, les humains. Vous n’entendez que pour oublier. (Antoine Goubier, La formule du Korrigan)

Sylvie Lansade 
(24/04/23)   



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Buchet-Chastel

(Mars 2023)
336 pages - 22 €