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Jean-Hugues LARCHÉ

Quintet pour Venise



Le voyage artistique auquel nous convie Jean-Hugues Larché commence dès le premier regard.
Quintet pour Venise sera musical et pictural.
La suite le confirme tout en élargissant le champ des disciplines. La littérature et la philosophie font leur entrée. Le récit s’ouvre en effet sur une citation empruntée à Nietzsche.
« Lorsque je cherche un autre mot, pour exprimer le terme "musique", je ne trouve toujours que le mot Venise. »

La diversité des sources artistiques sert très précisément le dessein de l’auteur : nous fournir son prisme afin que nous appréhendions la ville au-delà de la trivialité ordinaire que représente une visite sans âme. Il veut nous amener à pénétrer l’essence même de la ville.

« … cinq textes pris dans les cinq sens dont je me plais à écrire les noms : la vue, l’ouïe, l’odorat, le goût, le toucher. Cinq sens complémentaires indispensables pour traverser la cité sensible en approchant ses courants, ses vents, ses marées et ainsi mieux parler le feu de son soleil interne. »

Si nous suivons les traces de notre guide, peut-être penserons-nous à Magritte et à sa célèbre formule sur La Trahison des Images.
Nous entendrons alors un lointain écho murmurer :  « Ceci n’est pas une ville ! »
Non, ceci est un rêve éveillé, une illusion solidement ancrée.

L’écrivain, lui, le sait bien. Il connaît la voie pour parvenir à l’état de grâce, au charme exercé par la Sérénissime sur qui s’y abandonne passionnément.
À nous de suivre son exemple pour accéder à cette révélation.
Le mode d’emploi est assez simple. Il suffit, à son instar, de cheminer en renonçant à toute velléité de s’orienter, de baliser, de rationaliser.
La Venise maritime autant que maternelle possède son propre mouvement, laissons-la nous bercer !

Débarrassés de nos contraintes, nous adopterons une attitude chère à Jean-Hugues Larché. Attitude qu’il qualifie de sprezzatura (désinvolture)

« Venise est synonyme de souplesse italienne qui permet d’esquiver la masse touristique. La sprezzatura est une qualité tout italienne…
…L’assimilation en acte de cette désinvolture en haute liberté humaine est, je crois, la leçon principale que donne Venise. »

Venise donneuse de leçon… de là à dire que Venise possède la Connaissance, il n’y a qu’un pas que franchit notre guide :
«  Un long secret qui fait d’elle la plus belle des cités humaines ; la seule qui touche à ce point au paradis. »

Venise est un mystère, Venise est un miracle !
Elle accepte de nous insérer dans sa dimension cosmique, elle nous permet de tutoyer l’univers et les anges…
À sa condition : c’est elle qui donne le tempo, c’est elle qui insuffle la pulsation tourbillonnante qui nous élèvera vers les sphères ultimes.

Voilà un bien grand déplacement pour une cité qui a banni tous véhicules terrestres !
Aucun problème, ici le moyen de transport s’apparente à un tapis magique. Un tapis tissé par les plus grands artistes sous inspiration céleste. 
L’Esprit est descendu sur Tiepolo, sur Turner, sur Vivaldi, sur Monteverdi… entre autres.

Un constat s’impose : l’auteur nous fait prendre de la hauteur !
Une façon insolite d’envisager une cité située au niveau de l’eau, voire même souvent un peu en-dessous !
Insolite est d’ailleurs le mot qui caractérise son ouvrage.
L’écrivain façonne son contenu tel un sculpteur. Ses doigts lui tiennent lieu de plume, la terre glaise se substitue à l’encre.
Ses mains se saisissent de la matière, la pétrissent jusqu’à ce qu’en surgisse la quintessence.

Ce faisant, il mélange les genres, il oppose les concepts : tantôt conférence sur les arts, tantôt recueil poétique, tantôt guide touristique, culinaire, tantôt carnet intime, son ouvrage aborde les sujets au gré de la déambulation aléatoire du promeneur instinctif qu’il est. 

Nous le suivons avec bonheur car il sait nous informer, nous surprendre, nous initier, nous inciter. 
Quel que soit le registre dans lequel il nous entraîne, son écriture est directe, dépouillée, ciselée, poétique, sensuelle, brillante.
L’or, les miroirs, les reflets, la clarté, les couleurs y abondent.
« La transmuter en métal et étincellement permanent. L’irruption aurifère reflète le soleil frappeur porté par cette vision de Venise en mirage, en étendue désertique, en rêve des Mille et Une nuits … »

Ne se croirait-on pas dans le creuset d’un alchimiste ?  Ce texte qu’il voulait glaise, s’est transmuté en or.
Venise est portée à l’incandescence.
De quoi brûler de s’y rendre !
Munis de cet ouvrage bien évidemment, car il n’est pas « une publication de plus » sur une ville tant décrite. Il est une pépite littéraire participant à l’éclat d’une « Venise [qui] dort dans l’or… »

Catherine Arvel 
(16/03/23)    



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Jean-Hugues LARCHÉ, Quintet pour Venise
Serge Safran

(Janvier 2023)
144 pages - 14,90 €













Jean-Hugues Larché,
né à Bordeaux en 1962, a réalisé un film sur Nietzche puis plusieurs documentaires littéraires sur Paris. Il contribue aux revues Sprezzatura, L’Infini et Cahiers de Tinbad et a déjà publié Le rire de De Kooning et Seul Mozart, aux éditions Olympique, à Bordeaux, où il exerce le métier de libraire. (Source éditeur)