Romancière, nouvelliste et poète, Corinne Hoex varie à la fois les genres et les registres, du plus grave au plus léger, mêlant parfois les deux, comme ici où l’humour l’emporte mais au fil d’histoires de déceptions, de désamours, de ruptures, de meurtres…
Ce recueil est très homogène, sur le fond mais aussi sur la forme car les dix-huit textes s’enchaînent et se complètent, créant un univers où l’on retrouve ici ou là les mêmes personnages, ou quelques éléments récurrents : une valise jaune, une mouche, le Tour de France…

Les héroïnes ou narratrices de ces nouvelles sont confrontées à des princes pas toujours charmants. Il y a des mufles, des maris volages, des séducteurs sans scrupules, des radins, des jouisseurs égoïstes, des passionnés de chasse ou du Tour de France…
Et quand les femmes ne les supportent plus tout devient possible, de la vengeance au crime…

Il y a aussi des hommes prêts à tout pour séduire ou satisfaire une voisine ou une cousine, jusqu’à vouloir offrir un collier de perles ou une serre aux végétaux impressionnants mais l’enfer est pavé de bonnes intentions et le succès n’est pas toujours au rendez-vous.

Même le cyclisme peut aider à conquérir une femme, fût-elle passionnée d’opéra.
« À l'époque, Anne-Marie Jorissen ne prêtait en réalité qu'une attention distraite aux récits héroïques dont l'abreuvait Théo Verbist à la gloire de pédaliers, dérailleurs, câbles de freins et becs de selles. Elle les entendait telle une mélodie que, tout au long du dîner, la voix mâle de son soupirant interprétait pour elle. Durant les premiers temps, elle ne fut pas accablée par ces anecdotes célébrant les cale-pieds, les pignons et les guidons chromés. Il y avait les muscles de Théo, il y avait ses mollets, il y avait ses cuisses. Il y avait aussi chaque soir les bougies allumées dont les flammes dansantes disposaient Anne-Marie à se laisser gagner par cette douce poésie de braquets et de jantes. »
Mais bon, la lassitude, la déception, le désir d’autre chose… Pas sûr qu’Anne-Marie accompagne son champion jusqu’à la fin de la course.

Les héroïnes de Corinne Hoex ont du caractère et n’hésitent pas à signifier clairement que la situation a assez duré et qu’elles ont mieux à faire dans la vie que de subir les vexations, les excès ou l’indifférence de mâles autocentrés. Certaines solutions sont radicales, d’autres plus subtiles et même, au fur et à mesure de l’avancée dans le recueil, on voit l’autrice flirter avec le fantastique ou le virtuel pour le plus grand plaisir du lecteur.

Le recueil s’ouvre et se ferme sur des textes mettant en scène Françoise Girard, une romancière à succès qui écrit des polars (où son mari aimerait bien jouer un rôle) mais aussi des nouvelles, peut-être justement celles que nous venons de lire, pour venger par la plume ses compagnes d’infortune qui n’ont pas osé ou pu le faire dans la vraie vie.

L’ensemble est vif, acerbe, drôle, varié, émouvant, on passe d’une situation à une autre avec beaucoup de plaisir. Une fois encore, Corinne Hoex nous montre son talent dans un genre exigeant où elle parvient en quelques pages à construire de vraies histoires et mettre en scène des personnages insupportables ou attachants mais toujours bien campés.

Serge Cabrol 
(15/05/23)