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Maria QUINTREAU

Sept fois le tour du jardin

le il de quelque
je détaché de soi

l’avant et l’après
sous la porte du présent

(Bernard Noël, L’Ombre du double.
Donné en exergue par l’auteure)

            La table des matières indique plusieurs parties à ce texte.
I  Marcher.
II  Langue-mère.
III Horizon-lignes-blanc.
IV Mère-fille-main.
V  Poésie.
Nous avons là une longue marche vers la poésie, « pour ma mère disparue depuis longtemps, c’est le chant qu’en vain j’avais toujours cherché », dit la quatrième de couverture.
            Au tout début, pendant le confinement, la genèse. « Je viens de marcher dans le jardin, sept fois le tour du jardin, une marche claire du matin. J’ai essayé d’enregistrer en marchant ce qui courait dans ma tête, mais aucun son détecté m’a dit mon Samsung. Alors ma marche terminée, mon bras, mes mains, prennent le relais. Ce ne sera pas la même chose, ce sera autre chose, dans ma vraie marche, marche du jardin, j’enregistrais mon souffle qui se fatiguait, j’enregistrais ma voix essoufflée qui rejoignait pourtant mes pas d’autrefois, ces collines où tous les jours je grimpais. Entrer en poésie n’est pas raconter, et là je raconte. La poésie a cela d’éternel qu’elle reste dans l’instant, passé et présent en elle. »

            Peu à peu la main et la feuille trouvent le chemin, avec ce seul texte sur la page.

« Je marche dans mes mots, je m’enfonce dans leur souffle, j’en déplace les dunes, c’est dur, faut lever haut la jambe, ça tire sur les reins, ça épuise le souffle, je respire et m’essouffle. Arbeit, arbeit, plaisantes-tu quand je te dis, je monte, je ne reste pas avec toi ce soir, je monte, et ce signe que je fais pour te répondre, pouce tendu vers le haut, après les informations, je monte. »

            Le chemin, c’est le travail qui monte, permet d’accéder au sommet de la colline-poème, et travailler la langue, Retourner sept fois le jardin dans sa bouche, travailler à la main les mots, la mère, dire la mère, en faire la liste des instants de mémoire, et travailler encore pour monter jusqu’à elle, soi-même, à la poésie.
            Travailler-monter jusqu’à enfin trouver la poésie de la mère.

petite mère au fil de moi
dans la couture du désir
cette plage lointaine

la tienne la nôtre
plein est ou tout ouest
aurore ou couchant

le brouillard se lève

Pour s’achever sur un dernier poème qui reprend tous les pas du chemin :

Flux tendre des mots, mes mots d’aujourd’hui dans la perspective d’une rue étroite, tu donnes le bras à mon père, on est dimanche, vous allez certainement au cinéma, vous prenez maintenant une rue à droite, je ne vous vois plus.

Ma main quitte la ligne, index droit à mes lèvres.

Je ne dois pas retomber dans le récit, je dois rester en poésie, mes mots juste pour dessiner ton visage, qu’il émerge de l’ombre où je le croyais perdu.

Mes mots dans ce flottement, main gauche, mon front s’y appuie.

Mes mots se cherchent.

La tourterelle toujours.

            Un beau parcours semé de cailloux brillants pour re-trouver l’avant et l’après sous la porte du présent.

Michel Lansade 
(29/12/22)    



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Poésie















Alcyone

(Janvier 2022)
46 pages - 16 €