Sous l’angle du fantastique, ou même de la science-fiction, ce roman aborde avec un regard décalé la relation entre une fille et sa mère. Ne pas en faire assez ou en faire trop, être souvent absente ou excessivement présente, l’équilibre n’est pas facile à trouver et, pour le moment, même l’intelligence artificielle n’apporte pas de réponse satisfaisante.

Margaux, onze ans, vit seule avec sa mère, Clémence, qui, pour les besoins de son métier –cheffe-opératrice de cinéma – doit souvent partir pour des tournages à l’étranger. Margaux ne veut plus de baby-sitter, elle préfère aller dormir chez Violette, une amie de sa mère qui habite l’appartement du dessus, ou chez des élèves du collège qu’elle connaît depuis l’école primaire. Margaux et sa mère établissent un planning et Clémence appelle sa fille tous les jours.

Cette fois-ci, Clémence est partie pour trois semaines et le planning très bigarré (une couleur différente pour chaque hébergeant) est accroché sur le frigo. En regardant des vidéos sur son ordinateur, Margaux a l’esprit qui vagabonde et elle se demande tout ce qu’on peut commander sur Internet. « Violette m’avait lu un jour une histoire étrange, l’histoire d’une femme qui reçoit un enfant par La Poste, dans une boîte de conserve, et j’avais repensé à cette histoire la veille, en dormant dans sa chambre d’amis. »  « Mes pensées chahutaient, pire qu’une salle de classe. Est-ce qu’on pouvait se commander une nouvelle mère sur Internet ? » « Un père je n’en ai jamais eu, je ne sais pas ce que c’est, ça ne me manque pas. » Elle tape télécharger une mère dans Google, pour rire… 

Et c’est là que le roman bascule dans la science-fiction. Margaux arrive à commander, paie avec la carte de crédit que lui laisse sa mère et reçoit, dans un grand carton, livrée et installée par deux techniciens, une femme androïde « ou plutôt gynoïde » équipée d’une intelligence artificielle. Elle s’appelle Victoria et peut tout apprendre.

Margaux est à la fois ravie et inquiète. Où va-t-elle l’installer ? Comment cacher son existence à Clémence ? Que vont en penser ses amis du collège ? Des dizaines de questions auxquelles Victoria répond tranquillement, s’adaptant facilement à toutes les circonstances.

Mais, peu à peu, Victoria va prendre de plus en plus de place dans la vie de Margaux. Si Clémence est souvent absente, Victoria, elle, est jours là et même un peu trop…

Une belle idée qui va ravir les lecteurs et lectrices et les amener à se poser beaucoup de questions sur les relations entre une mère et sa fille. Et comment cette histoire peut-elle bien se terminer ? Lire, rire et réfléchir, voilà un beau programme, il serait bien dommage d’en priver les enfants…

Serge Cabrol 
(06/04/22)