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Laurent JOFFRIN


L’énigme du Code noir

Les nouvelles enquêtes de Nicolas Le Floch


Dans le précédent volume, Le cadavre du Palais-Royal, Nicolas Le Floch a déjoué un attentat contre le roi en octobre 1789, quand les femmes sont allées à Versailles demander du pain à Louis XVI et qu’elles ont ramené la famille royale à Paris.
Dix-huit mois ont passé, nous sommes en avril 1791 et le roi est enfermé aux Tuileries. Quand il veut aller fêter Pâques en famille à Saint-Cloud, le peuple l’en empêche, le soupçonnant de vouloir s’enfuir vers l’Est et rejoindre des troupes qui lui sont restées fidèles. Louis XVI renonce à sa sortie. Ce n’est que partie remise…

Nicolas Le Floch, marquis de Ranreuil, est resté attaché au service du roi même s’il est tenté par les idées des Lumières. Son fidèle adjoint, l’inspecteur Pierre Bourdeau, d’origine roturière, est plus hostile au maintien des privilèges qui empêchent toute promotion au mérite. Ils ont souvent l’occasion de confronter leurs opinions.

En ce 17 avril, une affaire criminelle les réunit à nouveau. Le corps du comte de Fleuriau a été trouvé devant le porche de son hôtel particulier, rue du Vieux -Colombier. Après l’avoir pendu, on lui a coupé un bras et une jambe avant de déposer son cadavre devant chez lui.
Bourdeau prévient Nicolas et tous deux vont consulter, comme d’habitude, leurs médecins légistes de l’époque, le bourreau Samson et Guillaume de Semacgus, chirurgien de la marine, mais aucun ne peut expliquer les raisons d’une telle barbarie. C’est Awa, la gouvernante sénégalaise du chirurgien, qui propose une hypothèse.
« – Cela ressemble aux châtiments qu'on inflige aux esclaves fugitifs, avança-t-elle.
– Aux esclaves ? jeta Semacgus.
– Oui, aux esclaves des Antilles qui s'échappent et sont repris. C'est la loi des plantations. Ma mère était une captive venue du Sénégal, vous le savez. Elle m'a conté plusieurs fois la cruauté des punitions infligées par les maîtres. Je me le rappelle, c'est un souvenir d'enfance. À la première évasion, on coupait parfois le bras du fuyard. À la deuxième, on lui coupait la jambe. Au Cap-Français, j'ai parfois vu un de ces condamnés, qui marchait avec des béquilles. La mutilation servait d'exemple pour intimider la masse. Et en cas de rébellion, si des coups étaient portés sur un maître, ou sur un membre de sa famille, c'était la pendaison. Votre homme a attiré sur lui les trois châtiments à la fois. Voilà ce qui me semble. »
« Awa, venue de Saint-Domingue dont Semacgus l'avait tirée, était une "libre de couleur", elle était née d'une mère captive et d'un colon blanc, qui avait fait les démarches nécessaires pour qu'elle fût affranchie. Son idée paraissait lointaine, exotique, pour ainsi dire saugrenue. Mais elle parlait d'expérience. Et en l'absence d'une autre, son hypothèse avait une force de cohérence. »

Deux jours plus tard c’est le cadavre du marquis des Fossaies qui est découvert devant son domicile. Il a été pendu et fouetté. Encore un crime qui rappelle les punitions appliquées aux esclaves.  Mais pourquoi eux ? Pourquoi à Paris ? Pour quelle vengeance ?

Pour avancer dans son enquête, Nicolas Le Floch va devoir approfondir le rapport entre la métropole et les colonies, la situation dans les plantations sous la Révolution, et le point de vue des différentes composantes de l’assemblée constituante au moment où est justement discuté un texte sur l’émancipation des « libres de couleur ».

Pour ce faire il va être aidé par un homme directement concerné par le sujet, le chevalier de Saint-George, compositeur et escrimeur, né en Guadeloupe d’un père colon et d’une mère esclave. « Libre de couleur », Saint-George est d’abord suspecté d’avoir voulu venger Vincent Ogé, roué en place publique pour avoir fomenté une meute à Saint-Domingue. Mais Nicolas revient vite sur ce soupçon et, peu à peu, Saint-George va se révéler un ami précieux dans des situations délicates.

Parmi les artistes, on rencontre aussi Choderlos de Laclos, Olympe de Gouge, Restif de la Bretonne… On assiste aux débats de l’assemblée. On visite les égouts et les carrières creusées sous le sol parisien. On ne s’ennuie pas une seconde en accompagnant Nicolas Le Floch dans ses démêlés amoureux (deux maîtresses rivales, c’est compliqué), dans ses repas au restaurant chez Roze ou Beauvilliers et dans son enquête qui ne plaît pas à tout le monde.

Laurent Joffrin réussit encore un roman passionnant, nouant une intrigue complexe dans le contexte politique de la réflexion sur l’attitude à adopter vis à vis des « libres de couleur », la reconnaissance de leur droits représentant pour certains un premier pas vers l’abolition de l’esclavage qui reste encore très minoritaire au sein de l’assemblée.   

Quant au roi, il ronge son frein aux Tuileries et songe à prendre la poudre d’escampette. On est à deux mois de la fuite à Varennes, mais Nicolas Le Floch ne peut pas le savoir. Peut-être y sera-t-il confronté dans le prochain volume. À suivre…

Serge Cabrol 
(24/10/22)    



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Noir & polar









Buchet-Chastel

(Octobre 2022)
272 pages - 19,50 €


10/18

(Octobre 2023)
264pages - 8,60 €






Laurent Joffrin,
journaliste et écrivain,
a déjà publié de nombreux livres parmi lesquels trois
volumes des aventures
de Donatien Lachance,
détective de Napoléon.


Bio-bibliographie sur
Wikipédia





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Jean-Fran ois Parot
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Le cadavre
du Palais-Royal