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Gilles BAUM


Les boîtes aux lettres


L’auteur aborde des sujets graves avec beaucoup de délicatesse et de poésie, en les traitant à hauteur d’enfant, un enfant qui comprend la situation, les causes et les conséquences, mais préfère y répondre à sa manière, dans l’action et la beauté de l’imaginaire.

Émile n’a pas revu son père depuis un an, depuis « la fameuse nuit » où la violence a brisé la famille. Il n’en parle qu’à mots couverts mais il sait bien ce qui s’est passé. Il y pense quand il passe près de l’usine morte. « Une usine assassinée d'un grand coup derrière la nuque ; et les coupables courent toujours, en costard et en cravate, et avec des chaussures cirées, les bras encombrés de valises noires pleines de contrats pour l'autre côté du monde, là où les ouvriers travaillent pour rien ! Émile sait que c'est ça qui a rendu son père fou de rage. Le pire ç'a été quand son papa a reçu sa lettre de licenciement. C'était quelques jours avant la fameuse nuit. »
Après il y a eu la colère, l’alcool, la gifle… Le départ du père ; la rage de la mère qui ne pardonne pas, ni la gifle, ni qu’un homme puisse abandonner son fils !

Émile sait que son père reprendra contact avec lui mais il sait aussi que sa mère jetterait tout de suite un éventuel courrier. Alors il a eu une idée pour recevoir une lettre de son père. Il achète des boîtes aux lettres, y écrit son prénom et les installe un peu partout dans les lieux où ils allaient ensemble.
Cette initiative donne lieu à des chapitres poétiques et amusants comme lorsqu’il s’aperçoit qu’une de ses boîtes, au bois de Louvet, sert de nid à des oiseaux ou qu’une autre, près du lac, permet à des amoureux de communiquer… Parfois l’installation est plus compliquée comme lorsqu’il essaie d’en installer une dans les toilettes d’un musée où il est allé avec son père…

Pour installer et surveiller ses boîtes aux lettres, il a besoin de Rosie. C’est le nom qu’il a donné à sa bicyclette et il la considère comme un être vivant avec ses pensées, ses goûts, son caractère et son tempérament.  Elle a parfois tendance à n’en faire qu’à sa tête et elle n’hésite pas à exprimer ce qu’elle ressent.
« – Rosie, il faut modifier la tournée. Aujourd'hui, nous avons une étape à ajouter. 
Clac ! Rosie bascule sur le grand plateau et accélère brusquement.
– Pas si vite, Rosie ! Ne sois pas si pressée ! Tu ne sais même pas où on va !
Clac, clac ! Aussitôt Rosie bascule sur le petit plateau et le grand pignon, forçant Émile à mouliner comme un possédé pour avancer centimètre par centimètre !
– Ce que tu peux être susceptible, vieux tas de ferraille !
Alors Rosie rit de son rire de bicyclette un bon bout du chemin. »

Autre élément très poétique de ce roman : le narrateur est… un coquillage !
Mojo, un homme qui a dû quitter son île natale pour trouver du travail ici, a emporté avec lui des coquillages de sa plage préférée et il leur confie des missions. C’est ainsi qu’il en a fixé un à la fermeture Éclair du sac à dos d’Émile et qu’il lui a demandé de surveiller l’enfant. Alors le coquillage remplit sa mission et raconte tout ce qui se passe.

Beaucoup de surprises et de rebondissements dans ce livre émouvant et original. Les jeunes lecteurs prendront du plaisir à accompagner Émile et Rosie dans leurs aventures dont certaines prennent des allures fantastiques ou un petit air de dessin animé. L’art et la manière d’évoquer des sujets graves avec légèreté.

Serge Cabrol 
(22/09/22)    

Illustration de couverture : Mercè Gali / Émile bavardant avec Rosie


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Jeunesse






Amaterra
(Août 2022)
240 pages - 13,90 €


Dès 10 ans












Gilles Baum
a déjà publié une trentaine de livres pour la jeunesse.

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