Retour à l'accueil du site





Anny ROMAND

Abandonnée



Comment se construire sans père ? Cette question est double. Comment se construire quand on n’a pas connu son père ? Comment se construire une vie quand on n’a pas de père pour son enfant, quand on est fille-mère comme on disait il y a encore quelques décennies ?
Le roman est construit en alternant deux récits, deux femmes venant frapper à une porte pour rencontrer le même homme, à une génération d’écart.
La première est Annie, la fille qui n’a jamais connu son père. L’autre c’est Rosy, la future mère venue annoncer sa grossesse vingt ans plus tôt.

Annie ne sait rien de ce père malgré son insistance auprès de sa mère.
« Quoi de plus terrible que de ne pas connaître son père ? De ne pas savoir qui il est ? De l'imaginer, de rêver de l'amour qu'il pourrait vous donner, de l'attention qu'il pourrait porter à votre avenir. Des conseils, un guide de vie, mais aussi des colères, des pleurs et des joies, des cadeaux, des sorties en tête à tête. Tout ce qui se fait naturellement que je dois, moi, imaginer, inventer, créer. »
« Elle ne se laissait pas facilement questionner, la mère. Très vite elle s'échappait en coupant la conversation — bon, ça suffit ! — ou alors avait quelque chose à faire de toute urgence. Comme s'il ne fallait pas trop remuer la vase au fond du lac mais plutôt la laisser sédimenter pour couvrir durablement les souvenirs de ce temps-là. Comme si une douleur soudaine pouvait surgir, des regrets, des espoirs déçus. Toutes ces choses à oublier sous peine d'avoir en permanence un goût amer dans la bouche, dans la vie. »
Maintenant Rosy est morte et Annie frappe à la porte du père. Mais trop de temps a passé. C’est maintenant « un homme petit, mince, vieux, cheveux gris bouclés, yeux bleus inexpressifs. […] Le regard vide raconte la maladie, l’échange impossible, la mémoire perdue. » C’est avec l’épouse et la fille de cet homme qu’Annie va passer les trois heures qui se déroulent au fil du roman.

En chapitres alternés, c’est la vie d’Annie que nous suivons depuis sa naissance. Le trouble et les hésitations de Rosy, dix-neuf ans, ne sachant que faire de cet enfant dont l’homme n’a pas voulu et restant muette sur ses origines. L’amour de la grand-mère, survivante du génocide arménien, réfugiée en France avec une existence précaire. Une femme forte, mère célibataire elle aussi, qui s’occupe d’Annie pendant que Rosy fait vivre la famille avec son emploi de sténodactylo.

On s’habitue vite à l’alternance des chapitres et on suit avec empathie l’histoire de ces femmes sur trois générations. L’absence, le manque, certes, mais aussi l’énergie, la joie de vivre, la découverte de la lecture qui nourrit l’enfance d’Annie. C’est un roman écrit avec une langue vive, riche en émotions, qui parle de déception, de douleur, de souffrance, mais aussi d’amour et de courage. Une belle réussite pour un premier roman.

Serge Cabrol 
(22/02/21)    



Retour
Sommaire
Lectures







Anny ROMAND, Abandonnée
Serge Safran

(Janvier 2021)
144 pages - 14,90 €








Anny Romand,
actrice, traductrice, photographe, a publié un récit, Ma grand’mère d’Arménie, en 2015. Abandonnée est son premier roman.


Visiter son site :
https://annyromand.fr