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Raphaël HAROCHE


Une éclipse


Il s’agit d’un recueil de douze nouvelles dont certains personnages réapparaissent de nouvelle en nouvelle, nous donnant un air de familiarité. On se demande parfois si l’auteur situe l’histoire dans le rêve ou dans la réalité. C’est peut-être au lecteur de décider.

Dans la nouvelle éponyme du recueil, Une éclipse, l’auteur invite le lecteur à découvrir le paysage de rêve dont le couple jouit depuis la maison par ces phrases très cinématographiques : « Lorsqu’il ouvrit les rideaux, il fut à nouveau ébloui par la beauté du paysage. L’Atlantique s’étendait à perte de vue, des voiliers dansaient sur la mer, plus légers que des bouchons de liège. Là où des cailloux affleuraient, l’écume jaillissait des bancs de brume. » Tout semble annoncer le bonheur : la maison, l’île, les enfants qui jouent sur la plage. Puis, d’indices en indices, l’auteur va instiller le doute. Mais l’auteur rassure le lecteur : « Heureusement il avait Claire et les petits, il avait réussi au moins cela. Et sur cette île, il lui semblait qu’il avait pris, de justesse, le dernier ferry pour le paradis. » Et aussitôt, à propos de la marée basse, « un frisson d’angoisse incolore le parcourut, l’impression que le monde s’enfonçait dans la vase ».
De cette façon détournée, pas à pas, il prépare le lecteur à une issue tragique. L’éclipse de soleil est aussi une éclipse sur le bonheur du couple.

Dans toutes ses nouvelles, l’auteur aborde la tragédie au quotidien allant parfois jusqu’au sordide ; meurtre sadique, pédérastie, violence homophobe, sans jamais s’appesantir sur l’acte lui-même, il laisse le lecteur déduire et comprendre. Dans une autre nouvelle, un plombier maladroit provoque un accident inattendu.

Dans Bowie, le narrateur retrouve Claire après trois ans de séparation pour dire au revoir à leur chien qui doit être euthanasié prochainement. Alors que la conversation tourne autour des échecs professionnels du narrateur qui avoue en lui-même sa déchéance tout en prétendant que le tournage de son film se fera bientôt, le peignoir de Claire laisse apercevoir d’abord ses jambes, puis ses genoux, puis ses seins, ce qui ne le laisse pas indifférent. Cette conversation tourne au procès, toute la vie du couple, ponctuée par les différents chiens, de la manière dont il s’est comporté avec ses chiens. « - Tu as toujours été inadapté…même enterrer ton chien c’est quelque chose que tu n’as pas su faire, donner à Sherlock une sépulture digne de ce nom. »

La dernière nouvelle est très drôle pour le lecteur bien qu’elle mette en scène un moment tragique et angoissant pour l’auteur. L’auteur est invité à parler de ses nouvelles à un groupe de lecteurs dans un hôpital psychiatrique. Ces lecteurs ont lu attentivement les nouvelles et ont percé les mystères de sa création littéraire, au point de révéler qui se cache derrière tel ou tel personnage. L’auteur est soufflé, comment peuvent-ils savoir ? Puis le groupe de lecteurs accuse l’auteur d’avoir déformé la réalité à son avantage, d’avoir ridiculisé telle ou telle personne pour les besoins de sa fiction. L’auteur se défend : « Je pars du réel et j’imagine quelque chose de fantastique. » Rien n’y fait. On l’accuse d’avoir emprunté beaucoup à la vie des gens et d’inventer bien peu, de médire sur tous. De parler d’une souffrance qu’il ne connaît pas. « Tu es un éternel touriste dans la souffrance des autres, n’est-ce pas ? »

Ces nouvelles sont écrites dans un style très fluide, les conversations en langage parlé très simple.
Ce qui met l’accent sur ce qu’il peut y avoir de décalé ou irréel.
Il y a semble-il une parenté entre les chansons de Raphaël et sa prose. Partir du quotidien pour dire la souffrance, la tragédie.

Nadine Dutier 
(02/11/21)    



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Gallimard

(Septembre 2021)
192 pages - 18 €






Raphaël Haroche,
auteur, compositeur et interprète, publie ici son deuxième recueil.


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Wikipédia







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