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Olivier BARDE-CABUÇON


Le Cercle des rêveurs éveillés


À Paris, en mai 1926, deux événements vont se télescoper et constituer la trame d’une trépidante aventure. D’une part, un psychanalyste, Alexandre Santaroga, est intrigué par la mort d’un de ses patients, rapidement présentée par la presse comme un suicide. D’autre part, une jeune femme russe arrive dans la capitale sans se souvenir de tout ce qui l’a amenée jusque-là et sa présence crée une brusque animation dans les milieux russes de Paris, Blancs comme Rouges.

Tout commence avec la mort de Gabriel de la Biole, égorgé dans son lit. C’est Santaroga son psychanalyste qui, en raison d’un étrange pressentiment, lui a rendu visite en pleine nuit et insisté pour le voir. En allant dans la chambre, le valet a découvert le corps, la gorge tranchée, la main tendu vers un papier où était écrit : « Cette nuit j’ai rêvé que je tuais quelqu’un quand je me suis réveillé j’ai réalisé que c’est moi que j’avais tuer. » Comme pour le fameux « Omar m’a tuer », la faute d’orthographe aura son importance…

Gabriel de la Biole était un homme riche qui souffrait de séquelles de la guerre et notamment de cauchemars récurrents. Depuis deux ans déjà, Santaroga le suivait en analyse : « Votre esprit est une maison pleine de recoins sombres et de portes dont vous avez perdu la clé. Ensemble, nous ouvrirons ces portes, nous découvrirons ces pièces cachées pour y apporter la lumière. Comme vous le savez votre inconscient vous parle à travers vos rêves. »
Ce qui déconcerte Santaroga, c’est la personnalité contrastée de son patient, un humaniste philanthrope et généreux, « un bienfaiteur investi auprès de la Société des Nations et dans différents mouvements humanitaires, de la Croix-Rouge au Near East Relief américain, ou Save the children », qui depuis peu s’est rapproché des nationalistes et de Mussolini.
Gabriel lui avait révélé appartenir au "Cercle des rêveurs éveillés" dont les participants, plongés dans un état de semi-conscience, racontent leurs rêves. Santaroga aimerait bien savoir comment se déroulent les séances et ce que Gabriel a pu leur raconter mais il est trop connu pour s’y présenter anonymement.

Le hasard lui fait rencontrer Varya, une jeune femme désargentée et affamée fraîchement arrivée de Russie. Il lui propose une mission rémunérée, infiltrer le Cercle des rêveurs, et lui en explique rapidement la nature : « Les poètes surréalistes aiment se livrer à des expériences de médium. Ils cherchent à entrer en contact avec l'inconscient pour façonner des messages symboliques et développer une écriture automatique. Une espèce de dictée magique qu'André Breton qualifie de bouche d'ombres. […] Dans notre cas, avec l'aide d'un guide, appelé le moniteur, le rêveur éveillé glisse dans une sorte de transe qui va déclencher chez lui un discours automatique non commandé par la raison. » Jusqu’où cela peut-il aller ?
Santaroga lui donne un mot de recommandation pour Tamara de Lempicka, une peintre née à Varsovie, qui la présentera à une journaliste, Tillie, membre du Cercle…

Varya est un personnage très mystérieux. Proche du Tsar Nicolas II et de sa famille, elle aurait vécu avec eux jusqu’à leur exécution à Ekaterinbourg en 1918. Et ensuite ? Que s’est-il passé ces huit dernières années ? Recherchée par les Rouges ? Ou par les deux grands-ducs qui se disputent la succession du tsar ? Les Blancs rêvent de rétablir la Russie impériale avec l’aide de forces nationalistes montantes dans plusieurs pays comme Mussolini et Hitler. Varya a oublié ce qu’elle a vu et vécu à Ekaterinbourg. Elle se sait recherchée, suivie, menacée mais il est difficile d’échapper à une menace sans l’avoir identifiée. Heureusement, la rencontre avec Santaroga est providentielle.

Varya rencontre donc Tamara, la peintre qui aime les femmes et qui lui propose de poser pour elle, puis Tillie, la journaliste d’investigation capable de vadrouiller dans tous les pays du monde et d’infiltrer tous les milieux pour publier des articles dignes du prix Albert Londres s’il avait déjà été créé. Et voici la jeune Russe introduite par Tillie dans le Cercle des rêveurs éveillés, créé et animé par le poète Victor Harman, et qui ne regroupe que quatre participants depuis le décès de Gabriel de la Biole.

D’autres personnages vont se préoccuper de l’étrange suicide, notamment un inspecteur de la Sûreté, Arnaud Fauber, et le commissaire Binocle de la police judiciaire. Une femme a été aperçue, entrant au domicile de Gabriel de la Biole la nuit de sa mort. Mais les femmes, justement, ce n’est pas ce qui manque dans cette histoire et dans le sillage de Santaroga. Varya, Tamara, Tillie, Elsa, Liane… Et avec une perruque blonde un homme peut très bien se faire passer une femme. Qui a tué le philanthrope fascisant et pourquoi ?

On le saura bien sûr à la fin, dans une scène collective à la manière d’Agatha Christie, et on découvrira peu à peu le passé de Varya et la nature des forces que son arrivée à Paris a mises en mouvement.

Olivier Barde-Cabuçon, qui nous a passionnés avec la série d’enquêtes du Commissaire aux morts étranges située au XVIIIe siècle, nous enchante à nouveau avec cet enquêteur-psychanalyste évoluant comme un poisson dans l’eau au cœur d’une période pourtant bien troublée, ces Années folles de la fête, de la danse, de la création artistique dans tous les domaines, mais aussi un entre-deux-guerres qui ne le sait pas encore, où l’on sort d’une boucherie infernale pour assister à une montée en puissance des mouvements nationalistes et fascistes confrontés à la Russie de Staline.
 
La psychanalyse, Freud et Jung, la politique internationale, la place des femmes dans la société, le surréalisme, la mode et la peinture, les thèmes ne manquent pas au fil de cette aventure passionnante où nous suivons les personnages, de jour et de nuit, dans les rues de Paris, les restaurants, les hôtels et autres lieux de rencontres possibles. Le tout avec un rappel permanent de l’atmosphère mystérieuse et fantastique d’Alice au pays des merveilles, chaque chapitre étant introduit par une épigraphe empruntée à Lewis Caroll. « Soit que les serrures fussent trop larges, soit que la clé fût trop petite, aucune porte ne voulut s’ouvrir. » Heureusement, faute de chat souriant ou de lapin blanc, Alexandre Santaroga est là pour nous guider. Une piste à suivre…

Serge Cabrol 
(17/05/21)    



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Noir & polar








Gallimard / Série Noire
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Folio Policier
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Olivier Barde-Cabuçon

vit à Lyon. Il a déjà publié dix romans dont huit enquêtes du "commissaire aux morts suspectes".




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