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André BLANC


Gadjo Farel


Dès la première page, nous entrons directement dans le vif du sujet : un assassinat en pleine cérémonie officielle à l’Hôtel de Ville. Joseph Kaiser, directeur de la société « FerMetal », va être décoré de l’Ordre de La Légion d’Honneur par le ministre. Alors, « sous les applaudissements les deux hommes se fixèrent un instant. Que d’épreuves affrontées ensemble, que de secrets partagés. » Mais,au moment précis de l’accolade, voilà que « son corps vibrait comme une chaîne secouée par un forçat fou, ses mains s’accrochaient désespérément aux bras du ministre… Joseph Kaiser ne voulait pas mourir. »
La scène se déroule à Lyon, où le « petit fils de Zébédée, un chiffonnier, un patti comme on disait à l’époque » devenu patron, meurt ainsi devant les caméras et le public.

On en déduit vite qu’il s’agit d’un assassinat car Joseph Kaiser portait un pacemaker qui a été piraté. « D’un simple clic le moment venu […] il désactive la fonction thérapeutique de défibrillation et télécommande un choc électrique mortel. »
C’est là que le commandant Farel, que nous retrouvons avec beaucoup de plaisir, accompagné de son équipe soudée et efficace, entre en jeu et en enquête. Son intégrité, tant intellectuelle que morale a contribué à sa réputation et a ainsi séduit lectrices et lecteurs lors de ses précédentes aventures : « Anticiper la réaction de la proie ; la manipuler, la surprendre pour l’acculer dans une situation sans issue dont elle ne pouvait sortir que par la mort ou la reddition »
Il va donc falloir essayer de repérer quels sont les fils visibles, ou invisibles, mais bien dissimulés, pour parvenir à comprendre les enjeux en question, tout en suivant le sens des évènements, drames ou catastrophes organisés.

L’origine yéniche de plusieurs protagonistes a une certaine importance ici : « Les Yéniches appartiennent à un groupe ethnique semi-nomade d’Europe dont l’origine semble venir, en général d’Allemagne et de Suisse. » Comme le pense Nathan, le brillant héritier, le fils de Joseph, doté d’une personnalité complexe, voire limite : « En fait notre peuple est un clan, unique et multiple. » Et à propos de son père et de son oncle : « Ils avaient opté pour une assimilation à la société contemporaine et ses attributs culturels, sociaux et mercantiles, se coupant ainsi de leurs racines. Pourquoi pas après tout. Mais malheureusement, cette finalité unique était devenue leur fatalité. »

Nathan n’est pas le seul à être considéré comme suspect dans les louches trafics que ce roman nous indique. Sa mère Ruth, qu’il semble haïr et mépriser, parait également bien compromise…

Jusqu’à ce que les évènements, en soulignant les intrications politico-internationales, viennent toucher de près l’équipe de Farel ; évènements qui vont alors faire entrer en action, voire en concurrence, différents services de l’Etat, à Paris comme à Lyon.

Mais il est impossible d’aller plus loin dans le déroulement et les conséquences de cette histoire, au demeurant, rondement menée. Par ailleurs, cette combinaison subtile entre thriller et policier vient ici embraser une analyse des perversions et trafics d’une société sans scrupules. Projections pessimistes d’une réalité inquiétante ? Politique fiction ?
 
Un journaliste proche de l’équipe de Farel déclare : « L’Etat, je disais, c’est-à-dire le pouvoir, se sert des télévisions pour créer un bruit de fond culturel sur lequel il agit et manipule pour reconstruire une réalité et imposer une façon de penser hégémonique. Mais malgré ce pouvoir exorbitant, la bataille politique pour décider de la hiérarchie des problèmes passe encore et toujours par l’instrument des journaux. »

Habileté de l’auteur, André Blanc, qu’il faut noter, c’est ce qui est présenté en italique lors des dialogues entre les différents personnages. À propos toujours, et qu’il est pertinent de comprendre ou de savoir : pensées secrètes, analyses personnelles, etc. Sortes de sous-titres laissant apercevoir les arcanes d’une pensée. Ainsi : « Il a sa tête des mauvais jours, se dit Agopian. Là-haut, on doit lui mettre une sacrée pression. Gaffe aujourd’hui à celui qui dérape. »

Alors du suspense, évidemment, avec cette écriture qui raconte bien, fouille, émeut et tient en haleine, et déclenchera cet « emballement » face à une histoire contemporaine, qui bien que fictive, a des accents de réalité ! À s’y méprendre !
Et surtout un plaisir de lecture, encore, à ne pas négliger en ces temps complexes.

Anne-Marie Boisson 
(29/04/21)    



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Noir & polar








Jigal Polar
(Février 2021)
312 pages - 19 €







André Blanc


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polar.jigal.com






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