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Voilà un roman tout à fait d’actualité. Même s’il a été écrit avant l’arrivée du coronavirus et des mesures de confinement, il raconte le quotidien dans un Ehpad (Établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes) et constitue un bel éloge des aides-soignantes. « Je crois qu'on ne le leur dit pas assez. Mais franchement, toutes les filles ici, moi, je leur tire mon chapeau. » Mathilde, la narratrice, une ancienne journaliste de 84 ans, vit dans cette maison de retraite médicalisée depuis un an et note dans un carnet, au jour le jour, ce qui lui passe par la tête, les petits événements du présent comme les secrets du passé. Elle brosse le portrait de quelques résidents aux attitudes parfois excentriques. Elle évoque aussi ses enfants. Baptiste, qui habite loin et qu’elle voit rarement, et Rose qui a un caractère rigide. « Son mari marche à la baguette et ses enfants sont au garde-à-vous. » C’est Rose qui a insisté pour la placer dans cette institution près de chez elle. Pour avoir oublié d’aller chercher une robe au pressing une semaine après avoir fait une chute dans son appartement, Mathilde a été cataloguée Alzheimer, incapable de continuer à vivre seule. Les visites de Rose à l’Ehpad sont des morceaux d’anthologies. Ses colères contre les négligences de l’institution et de son personnel font trembler les vitres. Mais ce qui hante les nuits de Mathilde, c’est le drame de son enfance quand sa mère les a conduites, sa sœur qui avait douze ans et elle qui en avait six, dans une ferme du sud de la France. Une question la taraude sans cesse : « Pourquoi ma mère n'est-elle pas restée avec nous dans le Midi alors que nous avions réussi à passer la frontière, que nous étions en zone libre et que mon père avait déjà été arrêté ? » Elle n’a pas eu la réponse, ses parents sont morts au camp d’Auschwitz II-Birkenau en janvier et février 1943. Au-delà du passé et du présent de Mathilde, ce qui constitue le cœur du roman c’est la relation qui l’unit à Delphine, l’aide-soignante qui lui a offert ce carnet et que la vieille dame préfère appeler Maryline pour sa ressemblance avec l’actrice américaine et pour son rêve de devenir comédienne. Malgré des conditions travail très difficiles, Delphine conserve son enthousiasme et son dynamisme, respectant les résidents dans leurs différences et créant par sa seule présence et son entrain une atmosphère beaucoup plus agréable. Pourtant, l’aide-soignante n’est pas satisfaite de ce qu’elle fait. « Par exemple, elle rêverait d'arriver le matin et de faire trois toilettes à fond, au lieu d'en bâcler une dizaine. De prendre le temps de discuter avec les résidents au lieu d'être obligée d'agir comme une machine à qui on demande d'être productive. » Valérie Clo nous offre encore un roman très fort, avec de beaux portraits de femmes, ne gommant ni leurs failles ni leurs souffrances, mais éclairant leur attitude face au monde, leur résistance au conformisme et à la soumission, leur solidité, leur courage, leurs révoltes, leurs espoirs… Serge Cabrol (08/04/20) |
Sommaire Lectures Buchet-Chastel (Mars 2020) 240 pages - 16 € Version numérique 12,99 €
Rencontre avec Valérie Clo sur Web TV Culture Découvrir sur notre site d'autres romans de Valérie Clo : Plein soleil La tyrannie des apparences |
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