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Le Champ nous invite à Paulstadt, petite bourgade autrichienne sans signes particuliers, de la moitié à la fin du vingtième siècle. C’est aussi le nom que l’on donne au cimetière en raison de sa situation excentrée dans une ancienne friche agricole qui « ne valait rien pour les bêtes et ferait bien l’affaire pour les morts ». Un vieil homme venu chaque jour s’asseoir là sur un banc sert de medium aux histoires que les voix s’échappant des tombes lui racontent. En vingt-neuf chapitres à entête du nom de la personne dont la parole s’envole ce jour-là, se dessinent ainsi la population et la vie locale : son maire véreux (une charge récupérée de père en fils sur trois générations), le curé (orphelin à ses quatorze ans saisi de mysticisme puis de folie), le facteur vieillissant, le marchand de primeurs dont le père était venu des terres méditerranéennes avec sa femme, le petit exploitant agricole qui peine à survivre (celui-là même qui possédait le lopin de terre du Champ), le chroniqueur de la feuille de chou locale, l’employée d’un hôtel minable qui arrondit ses fins de mois avec les clients, les habitués du bar, une enseignante timide, un garagiste, une fleuriste rayonnante et célibataire, un agent d’assurance. De certains parfois comme les deux petites vieilles de la maison de retraite, l’alcoolique happé par le goût du jeu, la collectionneuse d’amants, l’enfant des marais, le mari grincheux coincé sous la terre à qui sa femme est venue dire au revoir avant de quitter Paulstadt, l’exilée venue de l’Est avec sa fille qui une fois arrivée à Paulstadt n’a plus eu le courage de repartir, la petite fille jouant aux échecs avec son grand-père, nous n’apprendrons que peu de choses. Si d’aucuns font un résumé de leur vie, de leur enfance, leur jeunesse ou leurs derniers instants, d’autres ne livrent de leur existence qu’un inventaire à la Prévert (mathématique pour Franz Straubein), une anecdote heureuse, un poème, une chanson. L’amour, l’argent, le couple, la solitude ou la guerre sous-tendent la plupart de ces souvenirs. De ce livre ne se dégage au final aucune tristesse car c’est la vie plus que la mort qui s’infiltre par les mots, l’intimité et les jours heureux plus que les drames. Le ton du livre y est aussi pour beaucoup. Il peut être enjoué, adopter un tour humoristique, romantique ou poétique mais se défie toujours du pathos. Chez Robert Seethaler, la simplicité et la mesure semblent être de mise. Mais si le roman, en évoquant ces vies ordinaires, nous renvoie parfois à nous-même c’est aussi notre monde contemporain qui s’y trouve piégé dans le miroir. Une façon pour Robert Seethaler de pointer du doigt avec finesse, presque en creux, le racisme de certains habitants envers la famille de Navid Al-Barki, l’appropriation du pouvoir et la corruption chez les politiques à travers le personnage de Heiner Joseph Landmann, les difficultés rencontrées par les exploitants agricoles comme Karl Jonas mais aussi de rappeler avec Stéphanie Stanek le tandem souffrances/espoir de tous ceux qui fuient la guerre ou la misère dans l’exil. Dominique Baillon-Lalande (24/01/20) |
Sommaire Lectures ![]() Sabine Wespieser (Janvier 2020) 280 pages - 21 € ![]() Folio (Janvier 2022) 256 pages - 8,20 € Traduit de l'allemand (Autriche) par Élisabeth Landes
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