Retour à l'accueil du site





Andrea Maria SCHENKEL


Tromperie


L’histoire se passe en Allemagne, en 1922, dans une petite ville du sud de la Bavière, Landshut. Un ton déjà : « Les deux bonnes femmes caquetant comme des poules surexcitées, parlaient en même temps. » Et le commissaire Johan Hunter obligé de les recevoir : « Quelles mégères, marmonna-t-il. » Cependant, cela faisait plusieurs jours qu’elles se présentaient chez Clara Ganslmeier et sa mère – avec qui elles avaient rendez-vous – mais personne ne leur avait ouvert. D’où leur inquiétude et leur démarche.
La police se rend donc sur place, et découvre que ces deux femmes ont été assassinées. Clara a été poignardée et sa mère étouffée.

Alors que commence une enquête qui pourrait bien bousculer le confort de ce petit commissariat, celle-ci va vite s’orienter vers un jeune homme, Hubert Täuscher, récemment fiancé à Clara, de dix ans son aînée. Il semblerait que ce jeune fils de famille, qui a du mal à travailler à la fabrique de brosses, « la brosserie », de ses parents et qui se projette dans une carrière artistique, aurait besoin de plus d’argent pour réaliser ses rêves. L’enquête montrera ensuite que, malgré ses fiançailles avec Clara, Hubert rencontre souvent une jeune fille, dont il pourrait être amoureux. D’après la logeuse de cette dernière : « l’ami de Melle Théa était un jeune homme élégant […] ses cheveux étaient coiffés à la dernière mode avec une raie très marquée […] Il venait d’une bonne famille ça se voyait à ses vêtements et à ses bonnes manières. » Et plus discrètement il apparaît également qu’il fréquente un ami, un certain Luck Schinder, qui aurait commis quelques délits ou trafics …
Et puis, un collègue de la fabrique, Fritz Luft, vient déclarer au commissariat que « Clara Ganslmeier a de l’argent, elle vient d’une bonne famille » 

L’« officier supérieur de la brigade criminelle » comme il se plait à le préciser, Johann Hunter, et son adjoint Joseph Wurzer, vont donc aller recueillir les témoignages et les « impressions » des voisins et commerçants, la police se voyant obligée de tirer rapidement cette affaire au clair.
Des considérations de carrière pourraient être à l’origine de la rapidité demandée, car bien que l’adjoint Joseph Wurzer semble vouloir poursuivre certaines investigations, de nombreux éléments suffisent à désigner le jeune homme comme le principal, et bientôt unique, suspect.

Hubert Täuscher clame son innocence, mais sans pour autant fournir une quelconque explication qui pourrait le disculper. Est-il conscient qu’il risque la peine de mort ? Car il est bien accusé d’avoir tué ces deux femmes, afin de voler leurs bijoux. Ce qu’il nie avec véhémence.

Il y aura donc un procès au tribunal populaire.
 « Plusieurs heures avant le début de l’audience, une foule immense se masse déjà entre le tribunal et la prison. Tout Landshut est là, ainsi que des badauds venus tout exprès des environs plus ou moins proches. Le train du matin arrivant de Munich est bondé. »

Ce roman est écrit avec cette précision qui sélectionne des faits, tout en insistant sur les prises de position des témoins interrogés. Et relatant ainsi l’atmosphère d’une époque.
Mais ce qui est particulièrement astucieux – et qui joue avec nos nerfs – c’est cette construction apparemment anarchique, qui fait en sorte que les retours en arrière, reviennent et repartent (les chapitres sautant des uns aux autres) pour retourner encore sur certains jours des mois précédents. Et c’est ainsi qu’Andrea Maria Schenkel, l’autrice, nous « promène » au fur et à mesure des détails ou éléments avancés. Dès que nous avons connaissance de certains faits, et pensons alors mieux cerner les relations entre les différents protagonistes, nous ne pouvons plus rien affirmer !
Et nos interrogations de perdurer jusqu’à la fin…

Précisons que toute cette histoire se passe en 1922 – le premier chapitre le 14 mars, ensuite le 1er avril, puis le 3 avril, puis retour au 30 mars, etc. – sauf le dernier, quelques années plus tard, sorte d’épilogue !
Alors ce titre ? De quelle Tromperie s’agit-il ?  

Nous avons donc ici une « vue » imprenable sur les mœurs de l’époque d’après la Première Guerre mondiale, dans une petite ville du sud de l’Allemagne. Ce roman, à partir d’un fait divers réel, en est imprégné. Les articles des journaux, seuls médias de l’époque pour traiter les informations vraies ou fuitées, les ragots ou les impressions sincères des protagonistes ou d’une population qui semble accrochée à ses certitudes, forment ainsi une belle et intéressante étude.
 
L’écriture est fluide, précise, et d’une forme narrative qui pourrait être un clin d’œil au ton des enquêtes de l’époque.
Cette Tromperie nous tient ainsi en haleine jusqu’à la fin !

Anne-Marie Boisson 
(27/04/20)    



Retour
Sommaire
Noir & polar








Actes Noirs
(Février 2020)
224 pages - 21,80 €

Version numérique
15, 99 €



Traduit de l’allemand par
Stéphanie LUX










Andrea Maria Schenkel

est une romancière allemande. Tromperie est son sixième roman
paru chez Actes Sud.


Bio-bibliographie sur
Wikipédia