Retour à l'accueil du site





Justin Huntly McCARTHY


L’aventure de Maître François Villon


Cette aventure très librement inspirée de la vie de François Villon a été écrite par un auteur irlandais dans les premières années du XXe siècle. Cette histoire a d'abord été une pièce de théâtre créée en 1901 avant d'être adaptée sous la forme d'un roman en 1902 puis à cinq reprises au cinéma. Justin Huntly McCarthy joue avec les codes du roman de cape et d’épée qu’il réhausse d’une pincée de Mille et une nuits : le roi des voleurs devient, pour quelques jours, comte de Montcorbier, grand connétable du royaume…

La première partie du roman se déroule à Paris dans la taverne de La Pomme de Pin où se réunissent ruffians et ribaudes. Ce jour-là, un client très spécial s’attable dans un coin de la salle. Il s’agit du roi Louis XI, venu incognito écouter la voix de son peuple.
« Il y a à ma cour un savant qui m'a conté une jolie histoire orientale. […]. Il s'agit d'un roi d'Orient, un certain Haroun, surnommé, comme je le serai, le juste. Son plaisir était de se promener la nuit, déguisé, dans les rues de Bagdad, de se confondre avec son peuple et, par ce moyen, d'apprendre beaucoup de choses pour le bien du royaume. Je suis son exemple et je compte apprendre beaucoup à mon tour. »
Il ne sera pas déçu par sa soirée.

Tout s’abord parce que François Villon, en personne, entre à son tour dans la taverne accueilli chaleureusement par les voleurs et leurs compagnes. Qui est-il donc ? « Le plus extraordinaire drôle de tout Paris, érudit, poète, ivrogne, escrimeur, coureur de filles, bavard, maître ès arts à la plume, à la pointe et au pichet. À la Cour des Miracles on l'appelle le roi des Coquillards. »
Voilà qui intéresse grandement le roi.

Arrive ensuite une demoiselle qui n’a rien d’une prostituée, Catherine de Vaucelles, entrée ici justement à la recherche de François Villon. Ils se sont vus dans une église, le poète lui a écrit des vers mais a été bastonné après les lui avoir fait parvenir. Catherine parvient à lui parler et lui explique ce qui s’est passé. « Écoutez, je suis dame d'honneur de la reine ; Thibaut d'Aussigny, grand connétable de France, professe quelque dilection pour ma personne et beaucoup pour mes biens. Il veut que je l'épouse. Il essaie de m'y contraindre par tous les moyens. Je le hais, et vous devez le haïr aussi, car c'est lui qui vous a fait fustiger... »

Bien entendu, unité de lieu et de temps oblige, Thibaut d’Aussigny pénètre à son tour dans l’auberge, venu embaucher quelques brigands pour faire enlever le roi au Louvre et le livrer aux Bourguignons qui assiègent Paris. Le poète, désireux de se venger de la bastonnade qu’il a subie, le provoque et nous assistons à un duel à la lanterne, une scène qui ajoute un peu de nouveauté au rituel des films de cape et d’épée. Toutes les bougies sont éteintes, la salle est plongée dans le noir. Les deux bretteurs, une lanterne dans une main et l’épée dans l’autre, « se cherchent, tantôt guidés, tantôt déroutés par la lueur des lanternes, soit que le porteur élevât soudain sa lumière, ou qu'il la dissimulât adroitement sous les plis de son manteau. […] Tantôt leurs épées fendent l'air, illuminent l'obscurité de fulgurants éclairs, tantôt elles deviennent invisibles même à ceux qui les tiennent dans leurs mains. »
Cette jolie scène est interrompue par l’arrivée des soldats du guet chargés de faire régner le calme dans la ville.  Villon est arrêté…

Et c’est là que commence l’étrange aventure de Maître François Villon. Après une nuit de cachot où il a été enivré et drogué, il se réveille au Louvre où tout le monde l’appelle Comte de Montcorbier, arrivé la veille de Provence et nommé grand connétable de France en remplacement de Thibaut d’Aussigny parti rejoindre les Bourguignons. Encore un clin d’œil aux Mille et une nuits. Louis XI s’explique : « Il est relaté dans un conte de Haroun al-Rachid comment il fit connaissance d'un drôle ivre dans les rues et comment il l'amena dans son palais. Lorsque le drôle eut cuvé son vin, les courtisans le persuadèrent qu'il était le calife, et le Commandeur des croyants eut fort à se louer de sa conduite. Je me promets semblable distraction. »

Comment va réagir le poète ? Le roi en tirera-t-il profit ? Quel rôle jouera la belle Catherine de Vaucelles ? Le nouveau connétable acceptera-t-il de faire pendre ses anciens compagnons de beuverie ? Autant de questions auxquelles ce divertissant roman apporte toutes les réponses.

Ici ou là, Justin Huntly McCarthy, regrettant qu’on trouve si peu de détails sur la vie de Villon chez Commines, Clément Marot ou Rabelais, rend hommage à Dom Gregory et à son précieux manuscrit, conservé par la bibliothèque de l’abbaye poitevine de Bonne-Aventure, « qui, tout en traitant de l'histoire ecclésiastique du Poitou au XVe siècle, nous entretient si particulièrement et si libéralement de la vie de maître François Villon. » Même si « les pages où Dom Gregory devait développer à loisir tout ce que maître François eut l'heur de faire, de dire et de penser lors de cette épreuve extraordinaire, sont malheureusement perdues [...] nous pouvons réunir, avec ce qui reste des allégations de Dom Gregory et avec certaines traditions qui ont survécu par-ci par-là en Poitou, assez de matériaux pour nous permettre de reconstituer les faits et gestes du comte de Montcorbier durant les sept jours de splendeur que lui accorda son roi facétieux. » Ouf ! Heureusement que l’imagination peut venir enrichir la réalité ! Sans elle, nous aurions été privés de cette amusante comédie historique et de l’agréable moment de détente que sa lecture procure.

Serge Cabrol 
(03/08/20)    



Retour
Sommaire
Lectures









Libretto

(Février 2020)
208 pages - 8,90 €











Justin Huntly McCarthy
(1859-1936)
auteur et politicien irlandais, a publié plusieurs dizaines d’ouvrages.

Bio-bibliographie
(en anglais)
sur Wikipédia












If I were king
devenu en français
Le roi des gueux
pour le cinéma