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Eva BALTASAR

Permafrost



Permafrost : Terme géologique qui désigne un sol dont la température se maintient en dessous de 0 degré pendant plus de deux ans consécutifs.

La narratrice du premier roman d’Eva Baltasar, quarante ans, lesbienne, cynique et dépressive, s’est construit son propre permafrost : « J’ai un bon revêtement, étanche comme celui des coques de bateau, mais rien n’est faux, non : la dureté du gel préserve un monde habitable, il est juste endormi. ».

Mais contre quoi cette femme préserve-t-elle tant son monde habitable ? Contre sa mère, obsédée par la santé et la réussite, dont elle dresse le portrait assassin en une ligne : « Transmettre des nouvelles importantes : le seul orgasme qu'elle connaisse ». Contre sa sœur, qui ne pense qu’à se marier et à avoir des enfants, et dont « la peau de ses joues [la] fait penser à un genou usé d’un Jésus en porcelaine » ? Ou contre la vie en général, puisque la plus grande partie de son temps se passe à construire des scénarios de suicide plus tordus les uns que les autres ?

Pourtant, si ce monde habitable est endormi, il est loin d’être paisible et les pensées qui tournent dans la tête de l’héroïne sont aussi cyniques que drôles. Du visionnage de son premier film pornographique à son séjour au pair en Écosse, chaque épisode est raconté avec une verve toute personnelle, dans une langue poétique parfaitement restituée par l’excellente traduction d’Annie Bats.

Et si le monde est habitable, c’est qu’il est peuplé de femmes, d’amantes. Veronika, la grande femme belge qui voudrait bien l’épouser, et Roxane, la Française de bonne famille, entament chacune à sa façon la carapace de gel dans laquelle s’est installée la narratrice et qui, trouée de part en part, aura bien du mal à ne pas voler en éclats en présence d’une petite nièce : « C’est une petite fille étrange, elle me fait penser à moi, mais à l’autre pôle. »

Ne suivant aucune trame narrative classique, le roman accompagne les méandres du cerveau de sa narratrice jusqu’à un épisode final déconcertant.
Premier tome d’une trilogie, ce roman de la poétesse catalane Eva Baltasar ne ressemble à rien d’autre, si ce n’est à cette femme, cruelle et émouvante, qui nous parle.

Amandine Farges 
(01/10/20)    



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Verdier

(Septembre 2020)
512 pages - 23 €


Traduit du catalan par Annie Bats





Eva Baltasar,
née à Barcelone en 1978, est l’auteure d’une quinzaine de livres de poésie et de romans en langue catalane.