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Pierre MAUBÉ

La peau de l’ours


Après Nulle part et Le dernier loup, Pierre Maubé poursuit avec La Peau de l’ours son exploration poétique de sa condition de vivant, qui est aussi notre condition à tous. Ce n’est pas pour rien que l’une des parties de ce recueil d’une grande diversité formelle, où l’on trouve aussi bien des poèmes en prose que de beaux sonnets réguliers, s’intitule Autobiographie de tout le monde. Le livre doit par ailleurs son unité à la sensibilité de l’auteur, à son expérience et aux thèmes obsessionnels qui le jalonnent, des notes cristallines de l’enfance au souvenir des amis morts.

L’enfance est le temps où se révèle, pour la première fois et à jamais, la beauté du monde :
« Gloire des monts devant tes yeux d’enfant / Le matin quand tu ouvrais la fenêtre »
Ou encore :
« Chaque matin / Ouvrant ma fenêtre / La gloire des monts ».

Cette épiphanie de la beauté est ineffaçable et éclairera la vie entière en dépit de ses souffrances et de ses deuils : cet instant renouvelé de communion […] traverse avec toi, en toi / les pires moments ». De même demeure le souvenir des songeries lentes « Au grand chaud vide des journées » Plus tard, confronté à la « quotidienneté trompeuse », l’adulte cherchera « les îles non encore englouties / les échos, les bribes, les résonnances / de la natale mélodie. »

Mais, le temps passant, l’amertume des illusions déçues se glisse dans la saveur du monde et s’instille dans le poème : « Ouvrez / la vie comme une huitre / du couteau froid de vos regards / pour découvrir qu’à l’intérieur / il n’y a pas de perle /juste / un peu de chair au goût de mer. » Il faut cependant continuer à vivre avec « une obstination de mousse [...] une patience de lichen [...] notre présence est résistance / et gloire murmurée / à l’ombre de ce monde »  La lassitude, le désespoir guettent, devant « cette usure quotidienne / qui n’a pas de sens et qui n’a pas de nom, ces blessures infimes et multipliées ». La pensée de l’avenir projette l’ombre de la mort : « Le fleuve coule dans nos veines / sa mélodie recommencée / et s’élargit vers l’estuaire / de la dernière traversée ». Aussi Pierre Maubé consacre-t-il nombre de poèmes aux absents, aux « amis / qui ont marché bien plus vite » sur le chemin de l’existence et qui ont laissé un vide que rien ne peut combler. Un ami, surtout, que l’on devine très cher, dont la perte est une blessure toujours vive et dont le nom est le mot final du recueil. Quant à l’amour, il apporte indissolublement joie et détresse : il est d’abord fraîcheur de source, lumière d’arc-en-ciel et plénitude, mais vient aussi le moment où « Le regard suinte une fatigue / aux échos de crépuscule / d’absence et de rire froissé » et où « seul reste le souvenir / comme un souffle sur la nuque ».

Demeure alors encore et toujours la beauté, qui est aussi celle de l’art : nombre de textes sont consacrés à des tableaux célèbres dont les créateurs entrent avec le poète dans un dialogue fraternel, Le Cri, Olympia, la Joconde et bien d’autres. Beauté qui sourd du poème, de l’agencement des mots à chaque page de ce recueil, beauté « ténue / frêle / transparente / rosée / de chaque matin / sève / de chaque floraison [...] d’une patience de source / d’une violence d’aube » si bien qu’au-delà du tragique, la lecture de La peau de l’ours nous laisse une sensation d’âpre sérénité.

Sylvie Huguet 
(14/06/19)    



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Poésie









Éditions Pont 9

150 pages - 17,90 €






Pierre Maubé,
né en 1962, vit actuellement en Haute-Garonne. Il est membre des comités de rédaction des revues ARPA (Clermont-Ferrand) et Place de la Sorbonne (Paris). Il anime le blog Poésiemaintenant.

Bio-bibliographie sur
Wikipédia






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