C’est un très beau roman sur une rencontre amoureuse, qui demeure dans le domaine de l’implicite et du non-dit, magnifiquement évoquée par Blandine Fauré.

Louise part en expédition en Amazonie après avoir rencontré Joachim, grand botaniste, qui dirige cette expédition composée de plusieurs personnes dont Xavier, paléoclimatologue. La forêt amazonienne est un lieu très particulier à la fois magique mais aussi parfois inquiétant et dangereux : « Le bruit de nos pas est sourd, il résonne comme sous une toiture, chacun de nous produit en marchant un son étouffé, qui s'insère dans le flux d'ensemble que nous créons, une douce batucada, presque mélodique. Très vite, l'odeur du bois pourri me prend à la gorge. L'air est stagnant, immobile comme un prédateur à l'affût. »

Louise a un projet photographique et artistique. Elle se passionne pour ce qu’elle voit et son rapport très fort à la nature entre en écho avec ce qu’elle a vécu au cours de son existence.

Chaque chapitre commence par une définition de botanique, de physique ou de géologie qui évoque la nature et la vie de Louise ainsi que les sentiments qu’elle a éprouvés ou éprouve au présent : « Suspension – Propriété de certains corps réduits à l'état de fines particules d'être immergés dans un liquide sans s'agglomérer ni précipiter.
La forêt me dévore, me happe, désagrège toutes mes défenses. Elle m'assomme par sa densité, les milliers d'arbres alignés devant moi s'empressent de me voler quelque chose que je ne veux pas leur donner. »

Blandine Fauré a une belle façon de parler de l’amour.
Nous apprenons à petites doses ce que Louise et Joaquim ont vécu précédemment chacun dans leur vie ce qui explique leur comportement actuel et nous découvrons aussi la forêt primaire, la canopée et la vie luxuriante tant végétale qu’animale qui existe en ce lieu. Nous apprenons que certaine pierre absorbe 99,9% de la lumière comme Igor a pu le faire quand il vivait avec Louise qui s’est sentie absorbée par lui dans la relation qu’ils avaient ensemble : « Je me souviens de la folie qui flottait dans ses yeux lorsqu'il m'avait dit qu'un tel matériau absorbait 99,9 % de la lumière, atteignant ainsi le record du monde du pouvoir d'absorption. Son taux de réflexion équivalait à moins de 0,05 %, il me répétait les chiffres avec un air si effrayant que je prenais peur, qu'allait-il pouvoir faire d'un tel matériau, et pourquoi lui fallait-il tout engloutir, car c'était lui, bien sûr, après qui il courrait en cherchant ce noir absolu, lui qui m'annexait sans limite, sans concession, il fallait tout avoir, peau, conscience, corps, âme, il saisissait ma vie entière et l'emmagasinait jusqu'à l'épuiser, et en moi, plus rien. »

Joaquim donnera à Louise ses carnets quand elle devra quitter l’expédition et nous découvrirons avec elle ce qu’il a vécu avant de s’engager entièrement dans ses recherches botaniques puisque le passé s’immisce dans le présent.

C’est un premier roman très réussi tant par sa construction que par son écriture. Voici une autrice à suivre.