Retour à l'accueil du site





Olivier DORCHAMPS

Ceux que je suis



Quelles sont nos origines, nos racines, notre identité ? Qui sommes-nous ? Ceux que les autres font de nous ?

Marwan est né à Clichy, il est français et a toujours vécu en France. Ses parents sont marocains et sont venus en France pour travailler et donner une chance supplémentaire à leurs enfants de réussir dans la vie. Tarek et sa femme ont eu trois garçons Marwan, Ali et Foued devenus respectivement professeur agrégé d’histoire-géographie, avocat et étudiant. Ils sont la fierté de leurs parents qui pourtant leur parlent de leur Maroc qu’eux connaissent à peine. Tarek ne pratique pas la religion, il est très tolérant et ne supporte pas les contraintes imposées par l’Islam. Il ne parle pas ou très peu marocain à ses enfants et reste très secret sur son enfance. Il est mécanicien et voudrait offrir des cadeaux à sa femme qu’il aime beaucoup et qu’il respecte. Elle travaille dans un magasin. « Ma mère et lui espéraient sans doute que nous deviendrions des Français modèles, que nous prendrions moins de coups qu'eux. »

Tarek meurt brutalement à 54 ans, ses trois fils apprennent avec stupeur qu’il désire être enterré à Casablanca. Il a tout prévu et organisé. Après un moment de colère, les trois frères se préparent pour ce voyage et cet enterrement qui se fera en respectant les traditions marocaines et familiales. Kabic, un presque grand-père pour Marwan lui révèlera une partie de l’histoire de la famille en l’accompagnant pendant le trajet vers le Maroc.

Marwan découvre peu à peu un secret de famille qu’ont partagé ses grands-parents, Tarek et Kabic.

Les trois frères sont confrontés au fonctionnement marocain lors des cérémonie de deuil. Ils seront révoltés, agacés mais aussi émus en découvrant ce qu’ont vécu leur père, leur grand-mère et les deux amis inséparables : leur grand-père et Kabic. Leur double culture entrera assez souvent en conflit mais progressivement leur propre identité pourra émerger.

C’est un roman très réussi avec une écriture sensible et teintée d’humour. « À nous, les gosses, l'Aïd paraissait bien sanglant par rapport aux fêtes françaises ; celles que Sainte Laïcité a transformées en desserts — la galette des Rois, les crêpes de la Chandeleur, les œufs de Pâques, la bûche de Noël. Avec un régime pareil, comment aurions-nous pu nous sentir marocains ? La gourmandise est le plus grand des baptiseurs. » Marwan n’hésite pas à exprimer des critiques sur des traditions qui ne lui conviennent pas.
« Je remercie en silence mes parents de ne pas nous avoir élevés dans ce paradoxe constant de la société marocaine, où les hommes ne se mélangent jamais aux femmes tout en leur imposant un code de conduite dont ils s'épargnent eux-mêmes les contraintes. Je songe à mon père, à sa joie de gâter ma mère dès que le garage lui en donnait les moyens, […] Kabic m'a dit que jamais une femme n'a autant été aimée. Bien sûr, la France et ma mère ont permis à mon père de devenir l'homme et le mari qu'il était. C'est ça qu'il voulait dire quand il répétait que le Maroc ce n'était pas ce que je croyais ? Cette société macho en apparence mais qui ne tournerait pas sans les femmes ? Ces journées oisives que des hommes, manifestement au chômage, passent entre eux pendant que leurs femmes s'assurent qu'ils auront de quoi dîner et que leurs enfants seront lavés et couchés ? »
 
Cela nous fait réfléchir sur l’appartenance à deux communautés différentes et génère des interrogations : « Je suis né en France. Je n'ai jamais vécu au Maroc. Je ne me sens pas marocain. Et pourtant, où que je sois, en France ou au Maroc, je n'ai pas le choix de ma propre identité. Je ne suis jamais ce que je suis, je suis ce que les autres décident que je sois. » C’est un partage qui peut se vivre comme conflictuel et douloureux avec parfois la sensation de n’exister nulle part. Plusieurs passages évoquent la honte que ressentent les personnages auxquels nous nous attachons très vite. Tous ces sentiments sont partagés par celles et ceux qui vivent à la frontière de deux groupes ayant chacun une identité bien définie. Construire la sienne est parfois un long chemin. Le parcours de Marwan en est une belle illustration.
C’est une réussite pour un premier roman. 

Brigitte Aubonnet 
(18/09/19)    



Retour
Sommaire
Lectures







Olivier  DORCHAMPS, Ceux que je suis
Finitude

(Août 2019)
256 pages – 18,50 €








Olivier Dorchamps
est franco-britannique. Né à Genève, il vit à Londres mais a choisi d’écrire en français. Ceux que je suis
est son premier roman.