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Et de nous promener dans les rues de Paris, celles de son quartier où il semble qu’elle a fait quelques connaissances. Mais si ces dernières peuvent être incongrues ou artificielles, un commentaire, ou une réflexion pertinente, en découlera le plus souvent. Car Leïla Bouherrafa va surtout nous faire partager sa solitude, ses indifférences – avec au cœur de cette forme de mélancolie, le désamour qu’elle éprouve face à sa mère – ainsi que leurs effets secondaires ! Comme ce jour, où elle se voit dans une vitrine. « Ma taille était fine mais sans charme. J’avais un visage. Derrière, tout au fond, enfouies, il y avait la peur et quelques blagues salaces entassées sur un petit tas de certitudes. Le tout bien empaqueté dans la peau d’une femme aux fesses plates, au regard incrédule. Je ressemblais trait pour trait à une cause désespérée, désespérante. Mon Dieu, que je ressemblais à ma mère. » Cette façon de nous emmener dans son errance désabusée et pourtant curieuse, non seulement nous étonne, mais nous déconcerte un peu. Au début se pose la question de comprendre où elle veut en venir avec et en vrac : ses états d’âme, ses options sociales surprenantes, et ses curiosités frisant soit la tristesse, soit le dégoût. Or, il se trouve qu’à notre insu, par sa façon de jongler avec cette lucidité aigre-douce, elle nous atteint. Au tout début de notre lecture on se dit, bon, on a compris, c’est bien écrit, bien amené, bien construit, et…? Mais voilà : à peine la question est-elle posée, que la magie s’insinue et opère. Et au cours de ces premières pages, justement. Alors, si on se demande encore un peu pourquoi, on continue notre lecture et on devient « attaché », comme si cette jeune femme était quelqu’un de proche, que l’on n’a pas l’occasion de voir souvent, mais qui arrive à nous toucher dès qu’elle nous parle. De ce fait, notre interrogation du début ne nous semble plus du tout pertinente ! Leïla Bouherrafa a déjà tissé ses filets. Pour qu’on la suive, la comprenne. Et pour ce faire elle va nous offrir au gré des pages et de ses humeurs, certains indices. Et puis, ce plaisir d’attraper ces phrases qui jaillissent presque sans arrêt, banales seulement en apparence, et si opportunément, avec humour et dérision. Plus tard, avant d’aller prendre un train pour se rendre à un salon du livre, où elle est invitée en tant qu’écrivaine, et lorsqu’elle passe devant la porte de sa voisine : « Je brûlais d’envie de savoir ce dont il s’agissait mais j’allais être en retard à un rendez-vous auquel je ne voulais pas me rendre. La vie est d’une tristesse indicible. J’ai laissé l’inconnu à ses mystères et j’ai descendu l’escalier. » Et puis, ça et là, se glissent quelques perles d’espoir, quelques trouvailles. De style. De pensées. « Pour la première fois, je regardais la vérité en face et celle-ci ne blessait pas. » Une attention originale aux autres, percutante et lucide, laisse penser que la solitude, en fond d’écran si visible, n’est pas complaisante, elle révèle blessures et autres souffrances qu’il lui faudra panser avec discernement, et acceptation. Ce qui nous interpelle aussi. La curiosité est ici un moteur à cette hauteur d’écriture et qui va nous séduire jusqu’à la fin. Oui, et en y repensant, on comprend comment et pourquoi la séduction opère, et nous donne envie de retourner peut-être au début de cette fréquentation. Mais comme déjà à la première lecture, on est avec elle, cela serait juste pour ne pas la quitter trop vite… Anne-Marie Boisson (19/06/19) |
Sommaire Lectures Allary (Janvier 2019) 290 pages - 18,90 €
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