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Marie-Claire BANCQUART

Toute minute est première
suivi de Tout derniers poèmes


Une offrande dans chaque main
nous allons

nous attestons
ne pas trouver de temple à honorer

mais
toujours en route
bras étendus
nous célébrons.

On ne peut être que très ému en refermant cette belle anthologie de poésies issues de plusieurs recueils et rassemblées par Claude Ber auxquelles elle a tenu à ajouter vingt Tout derniers poèmes inédits, après la mort de l'auteure survenue en février, peu de temps avant la parution de ce livre.

Tout à l'heure, je ne serai plus, tu ne seras plus.
La vraie douleur c'est que de jour en jour ce jour approche,
mais ce qui persiste, c'est notre ignorance à son propos.
Demain, ou dans une semaine, un mois...

Les poèmes sont aérés, courts, la plupart occupant à peine une page, ils ont la concision d'un haïku et sa force.

En cueillant une pomme
en caressant un bras
j’ai plumé l'éternel

Autant de pris
sur l'infini.

L'ouvrage, pourtant un rassemblement de poèmes de divers recueils, écrits à des moments différents, semble constituer une longue prière païenne où le corps souffrant depuis l'enfance, le corps vieilli, en fin de vie, participe de l'immense bonheur à vivre, sans illusion d’au-delà, dans l'épaisseur, la beauté des choses, des mots,
le tumulte du monde n'a pas le droit de s'immiscer

Non je n'avalerai pas
vos paroles fantômes
vos paraboles d'inventaire, vos courbes
de Bourse, de massacres.

Je choisis les cris
d'oiseaux de mer
le craquement des pierres

tout ce qui brave, hurle, éclate muettement dans le monde.

écrire, c'est rendre compte de petits riens, de l'essentiel,

           Écrire ?

Oui, pour susciter présence
de toutes les vies
surtout les très minces

étoile de mer
fourmi sur feuille de bardane

et la feuille même.

palpite la vie dans le repliement

Nous nous retirons dans votre domaine
étroit, c'est vrai,
[…]
un capitule de chardon
serré
sur une abeille.

Dans ma colonne vertébrale
je me retire

je l'habite
os après os

Infiniment seule et blessable

mais parfois
c'est vraiment beau
c'est la seconde rattrapée
d’une vie d’herbe entre les pierres.

l'amour est indicible parce qu'en latin un mot c’est « mutus », muet.

mots- loups,
galopant à l'amour, au meurtre,
dans la faim et la perte et la dissonance,

Toute minute est première, quand le jardin partage sa lumière avec le silence

Sylvie Lansade 
(26/08/19)    



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Poésie











Le Castor Astral

(Juin 2019)
216 pages - 15 €









Marie-Claire Bancquart
(1932-2019)
poétesse, romancière, essayiste et critique littéraire, a publié plusieurs dizaines d’ouvrages.


Bio-bibliographie
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