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Mikel SANTIAGO


Le mauvais chemin


«Tout a commencé quand Chucks a cessé de répondre au téléphone et aux mails pendant plusieurs jours, ne donnant aucun signe de vie, même sur WhatsApp, sans doute cloîtré dans sa cave, à enregistrer non-stop et à dormir sur le canapé.
Et s’il lui était arrivé quelque chose ? »

Car Chucks, ce compositeur qui a eu une période de « traversée du désert », va revenir « sur le devant de la scène » avec ce nouvel album, Beach Ride, qu’il est en train de terminer dans sa maison de Provence, à Sainte-Claire.

Le narrateur, Bert Amandale, un écrivain qui a quitté Londres, lui aussi, pour venir avec sa femme et sa fille adolescente, s’installer à Saint-Rémy, dans cette région de lavandes, et de « petits villages aux vieilles bâtisses, aux murs tapissés de lierre et aux fenêtres débordant de fleurs », propice au calme et à l’écriture. Cet auteur de thrillers célèbre, est un ami fidèle, et inquiet, « et j’ai imaginé Chucks dans sa cave-studio électrocuté par un câble, mortellement piégé dans son monte-charge ou intoxiqué par un de ses vieux vins ».Ils habitent à quinze kilomètres l’un de l’autre, et Bert sait bien qu’il est « son seul ami à un milliard d’années-lumière à la ronde. Un ami doté d’une imagination trop fertile pour pouvoir rester une minute de plus les bras croisés. » Il trouvealors Chucks très troublé qui lui raconte qu’une nuit, en rentrant par la route étroite et déserte qui mène chez lui, il a vu soudain apparaître un homme devant sa voiture, et il n’a pas pu freiner suffisamment tôt pour l’éviter « le pare-chocs du Rover l’a percuté en pleine poitrine, il s’est plié en avant et son visage a cogné le capot. »
Mais juste avant de mourir dans ses bras, l’homme avec « des cicatrices partout sur la tête » lui a murmuré en français « l’ermitage, l’ermitage » et Chucks a entendu cela comme une supplication, peut-être même une sorte de mission qu’il devait accomplir…

Mais sur la fameuse route, il n’y avait aucune trace de l’accident, c’est l’ami policier de Bert, à qui ce dernier avait posé la question, qui le lui confirme, ni de signalement de disparition. Chucks décide cependant de se dénoncer et va voir la police.
Quelque temps plus tard, il est trouvé mort dans sa piscine. Accident ? Suicide ? Les journaux en retraçant sa carrière indiquent que, par le passé, la star de rock, Chucks, aurait eu « quelques épisodes de bouffées délirantes »…

Bert n’arrive pas à se convaincre qu’il s’agit d’un accident, et cherche des indices dans les environs. Un jour qu’il est pourchassé par un molosse, deux gardiens surgissent qui lui indiquent qu’il est sur une propriété privée ! S’agirait-il de la clinique du Dr Van Ern ? Ce médecin qui la dirige et qui fait partie, avec quelques autres propriétaires des environs, d’une sorte de groupe de bourgeois nantis. La femme de Bert, Miriam, essaie depuis quelque temps de tisser des liens avec ces personnes, et d’ailleurs leur fille Britney va en classe dans le même lycée que le fils du médecin.

Bert, malheureux d’avoir perdu son ami, est troublé, et fait de plus en plus de cauchemars, alimentés peut-être par le fait que Chucks avait récemment découvert l’identité de sa victime : l’écrivain Daniel Somères qui, d’après le journal, avait été trouvé mort à des kilomètres de là, sur la route de Nice ! Pourquoi cette coïncidence ? Aurait-on voulu faire taire son ami ? Quant aux questions qu’il se pose sur cette clinique, où seuls de riches patients viendraient en secret, entreprendre une thérapie... Serait-ce le fameux « ermitage » ?

Le roman se déroule ainsi, au fil du quotidien du narrateur, de ses rapports avec sa femme et sa fille, dans cette Provence lumineuse, mais dont les habitants pourraient bien avoir quelques vilains secrets… Alors les cauchemars du narrateur, son imagination d’écrivain, viendraient-ils troubler son raisonnement, ou au contraire, aiguiser son intuition ?
 
Et ainsi, mine de rien, Mikel Santiago continue à nous prendre dans ses filets et son habileté ne cesse de nous surprendre, car nous continuons à imaginer tous les schémas possibles…
 
Une manière apparemment simple de raconter, de présenter les évènements, avec les réflexions de l’écrivain face à un monde aux conventions établies, à une société aux intérêts particuliers. En tout cas un roman passionnant qui tisse tranquillement le doute avec des indices probants, et tricote la réalité avec l’intuition, voire l’imagination...
Mais aussi une narration tout en finesse, et qui n’oublie, ni indications poétiques, ni traits d’humour, ni introspections sympathiques, ni… tout ce qui fait de la lecture de ce roman un moment de plaisir tout particulier.
Et à conseiller autour de soi au plus vite, donc !

Anne-Marie Boisson 
(10/07/18)    



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Noir & polar








Actes Sud

Collection Actes Noirs
(Juin 2018)
336 pages - 22,50 €


Actes Sud

Collection Babel
(Mai 2020)
432 pages - 9,80 €



Traduit de l'espagnol par
Aline VALESCO









Mikel Santiago,
né en 1975, vit à Bilbao
où il partage son temps
entre l'écriture, le rock
et la programmation informatique.