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Janis OTSIEMI


Le festin de l’aube


Une fois encore, l’auteur gabonais nous immerge dans le quotidien de Libreville où ses deux équipes récurrentes (et concurrentes), les policiers et les gendarmes, mènent des enquêtes séparées qui, au fil des pages, vont se rejoindre et obliger les frères ennemis à travailler ensemble.

Les premiers que nous rencontrons sont les gendarmes. En revenant d’un mariage, en pleine nuit et sous une pluie battante, dans une zone quasiment déserte, le lieutenant Boukinda heurte une jeune femme brusquement surgie du bas-côté. Il l’embarque dans sa voiture et la conduit à l’hôpital. Le médecin constate qu’elle a été ligotée, battue, brûlée avec une cigarette et violée à plusieurs reprises.
Quand le lieutenant retourne la voir le lendemain, accompagné de son collègue Hervé Endame, elle est morte.
« – Elle n'est pas morte des causes de l'accident, ni des coups qu'elle a reçus ni des brûlures, poursuivit le médecin sans se décontenancer.
– Elle est morte de quoi alors, docteur ? demanda Envame qui avait gardé son calme.
– De morsures de serpent. Ce que nous avions pris pour des hématomes, sur ses pieds, était en fait des morsures de serpent ! Elle en avait partout, sur les deux jambes aussi. Un peu aussi sur le bassin. Même si nous nous en étions rendu compte plus tôt nous n'aurions pas pu la sauver. Et je me demande comment elle a pu tenir toutes ces heures...
– Pourquoi ?
– Les examens de sang que nous avons pratiqués ont révélé un taux de venin très élevé. Il était dix fois supérieur à celui qu'on peut trouver normalement chez un patient qui a été mordu par un serpent. »
Voilà une tâche ardue pour les deux gendarmes. Trouver d’une part qui est cette jeune femme qui n’avait sur elle aucun papier d’identité et d’autre part qui a pu lui infliger de pareilles tortures. La vipère du Gabon est plus peureuse qu’agressive et ne mord pas dix fois de suite…

Les capitaines de police Koumba et Owoula sont, eux, confrontés à un vol d’armes de guerre dans un camp militaire.
« – Mais... Pourquoi nous, colonel ?
– La gendarmerie et l'armée de terre sont sous la houlette du ministère de la Défense nationale. Et d'après le rapport que m'a établi notre co-chef, les plus hautes autorités ont exigé une enquête indépendante afin que les responsabilités soient établies. »
Qui a volé ces armes et à quoi sont-elles destinées ? Trafic, grand banditisme, terrorisme ?

Comment ces deux enquêtes a priori sans aucun lien vont-elles se croiser ? Suspense !
De part et d’autre, il y a urgence car des serpents venimeux et des armes de guerre circulent librement dans le pays et risquent de faire de sacrés dégâts.

Bien entendu, le contexte politique n’est pas oublié. On est en période préélectorale et le fils de l’ancien président, dont l’élection à la succession de son père en 2009 avait déjà été contestée, s’apprête ici à briguer un nouveau mandat.  Mais, évidemment, toute ressemblance avec des évènements ou des personnages réels ayant existé serait une pure coïncidence…

L’écriture vive et colorée de Janis Otsiemi est toujours au rendez-vous et les intrigues ne nous laissent aucun répit. Ce nouveau roman se dévore avec la même avidité que les précédents.
Chaque chapitre est ouvert par une phrase en italique aux allures de proverbe qui ajoute sa note de couleur au récit. Leur contenu sibyllin résiste parfois à la compréhension immédiate. Les oreilles ne sont pas polygames. Les débris que fait tomber le singe retombent sur le dos de l’éléphant. Le ruisseau perd la tête à l’entrée de la savane. Si avec ça vous n’avez pas tout compris, précipitez-vous sur le livre, vous ne le regretterez pas !

Serge Cabrol 
(06/03/18)    



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Noir & polar








Editions Jigal
(Février 2018)
272 pages - 18,50 €











Janis Otsiemi,

né en 1976 au Gabon a publié une douzaine de livres dans divers genres littéraires (poésie, essai, nouvelles…), dont six romans policiers chez Jigal. Il a obtenu le Prix Gabonais du roman 2010 pour La vie est un sale boulot (Jigal, 2009). Il vit et travaille à Libreville.





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