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Marion MULLER-COLARD


Le jour où la Durance


« Tout le monde n’a pas le don des larmes. » Ainsi commence le roman de Marion Muller-Colard et la phrase nous happe, nous entraîne aussitôt vers la suivante, la suivante qui parle de l’enfance  – l’enfance perdue, l’un des thèmes en toile de fond du roman – puis de Sylvia, l’héroïne. D’emblée, tout commence. Un roman est là, on le sait, on le sent.

Dans Le jour où la durance, on apprend que les non-dits ont des mots pour se dire. Il suffit de parvenir à écouter ceux qui veulent percer les secrets. Ici, Clothilde, le second enfant de Sylvia, psychologue de métier mais fille avant tout. On apprend aussi que le don des larmes, finalement, peut s’apprendre. Il suffit de parvenir à faire le tour de soi, de faire céder le barrage qui les retient.

Ce sont ces deux chemins que Sylvia va devoir entreprendre ou vivre à la mort de Bastien, son fils aîné. Oh un fils qui ne dérangeait personne, qui ne se voyait même pas, un fils né bleu et resté, depuis, immobile. Un inanimé qui animait cependant son monde, chacun le découvre à sa mort. On croyait qu’il ne prenait pas de place, on va découvrir qu’il la prenait toute.

Sylvia coule. Cela se fait sans bruit, sans qu’elle s’en rende compte. Au dehors, c’est la pluie incessante et de cela non plus, elle ne se rend pas compte. Les journaux, les télés ne parlent pourtant que de ça. Elle, Sylvia, sort, prend sa voiture et la Durance monte, brise le barrage, s’étale sur les champs, les routes. Au volant, Sylvia doit s’arrêter et l’eau monte encore. Qui va engloutir qui ? Le chagrin l’eau ou l’eau Sylvia ?

Sylvia s’en sortira. Bastien l’enfant silence sera enterré. Avec tendresse et sans pathos aucun, les larmes des vivants honoreront ce qu’il a été. Le lecteur, ainsi, sera face à une scène de dignité, de celle qui ne s’oublie pas même le livre refermé.

Il faut dire que l’ensemble du roman a cette dignité. Sans foriture mais en cherchant toujours à être au plus de l’humain, Marion Muller-Colard sait faire exister pleinement ses personnages. La langue est sobre et toujours mesurée. Un style net, mis au service d’une histoire qui appelait cette netteté, afin que les émotions affleurent puis s’épanouissent.

Le jour où la Durance est un roman qui touche et qui perdure. Qui interroge aussi avec délicatesse sur le deuil.

Isabelle Rossignol 
(20/11/18)    



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Gallimard

Collection Sygne
(Septembre 2018)
192 pages - 18 €










Marion Muller-Colard

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