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Le plaisir d’être regardée, d’être remarquée malgré le temps qui passe apparait au long des pages. C’est une belle réflexion sur le rapport de séduction entre les hommes et les femmes dans une période où tout est remis en cause par le comportement tout à fait inadmissible de certains hommes alors que le harcèlement sexuel et le viol ne sont pas encore jugés comme il le faudrait. Dans certains pays comme l’Egypte des femmes sont encore condamnées pour avoir dénoncé ces faits. Ce roman soulève les éléments d’un débat constructif. Où se trouvent les limites ? : « Après tout, les mots que me dit le Professeur pendant l’amour ne sont pas si différents de ceux des hommes de la rue. » Le regard joue un rôle essentiel mais la voix aussi : « Depuis que je suis enfant je suis sensible à la voix. Pas la voix qui chante, pas la voix d'opéra ou de variété, non, la voix de tous les jours, la voix qui parle, qui dit des choses simples. Une fois quelqu'un à la radio a dit La voix, c'est ce qui ne s'enterre pas. Cette personne a raison, tout le reste s'enterre. » Tout est complexe : « La voix du Professeur, quand je suis avec lui au lit, est méconnaissable. Un râle d'animal on dirait. On se demande d'où il sort une voix pareille, tiens j'ai envie de dire Le fruit de ses entrailles, tant la voix vient des profondeurs du corps. Le râle du Professeur pendant l'amour ressemble à celui de Naji, le sourd-muet que j'ai connu à mon atelier au centre pour handicapés sensoriels. Un jour Naji a réussi à proférer Kimono, ça lui est sorti comme ça Kimono, alors qu'il n'a jamais réussi à sortir le moindre mot articulé, c'était guttural, rauque, ça lui est sorti d'un trait, mais on pouvait bien reconnaître le mot. La voix du Professeur pendant l'amour je ne sais pas d'où il la remonte, tant elle est grave, tant elle est différente de sa voix de tous les jours. Elle doit en traverser des matières, des organes avant de remonter, parfois j'y pense et je m'attache encore plus à lui, imaginant le périple de la rivière souterraine. Il va chercher ça tout au fond de son être et il le remonte. » « De tous les hommes qui abordent les femmes dans la rue, les plus joyeux sont de loin les travailleurs des chantiers, maçons, couvreurs, plombiers, charpentiers. Quand une fille passe, une onde soudaine se propage, et ils se mettent à pépier, une bande d'oiseaux. Parfois, comme ces derniers, ils sifflent. La pratique semble un peu tombée en désuétude. Quelque 60 % des vertébrés ont disparu de la surface de la Terre depuis 1970, de même il semble qu'un certain contingent d'hommes ne sache plus siffler, du moins ce qui s'appelle siffler. » C’est un roman comme un témoignage de notre époque avec toutes ses contradictions, ses questionnements et le point de vue d’une femme qui ose parler de ce qu’elle ressent vraiment. Fabienne Jacob continue à explorer le corps. Dans son roman intitulé Corps, elle le présentait de l’intérieur et dans la nécessité de le laisser dans sa vérité sans artifice. Dans Un homme aborde une femme, elle garde une parole franche pour évoquer le corps vu de l’extérieur par les yeux et les mots des hommes. Brigitte Aubonnet (08/10/18) |
Sommaire Lectures Buchet-Chastel (Août 2018) 192 pages - 15 € Fabienne Jacob Bio-bibliographie sur Wikipédia Découvrir sur notre site d'autres livres du même auteur : Les après-midi, ça devrait pas exister Prix Renaissance de la Nouvelle 2005 Corps |
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