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Sylvie HUGUET

La noirceur du cristal


Deux hommes sont tués par le même cheval à quelques jours d’intervalle. Est-on en présence d’un cheval tueur ? Les deux hommes ont, semble-t-il, bien cherché ce qui leur est arrivé en essayant de monter l’étalon en cachette, sans la permission du propriétaire et sans respecter les règles éducatives auxquelles il est habitué. Mais cela suffit-il à expliquer qu’ils aient été piétinés avec une telle sauvagerie ? Une enquête s’impose...

Pour la quatrième fois, nous retrouvons Olivier et Gilles, les héros récurrents des romans policiers de Sylvie Huguet. Olivier Serval, le narrateur, est écrivain et professeur de lettres. Gilles Serval est commissaire de police. Ils se sont rencontrés lorsque le policier a enquêté sur le meurtre dont fut victime la mère d’Olivier (Le cauchemar de Montaigne). Les deux hommes ont sympathisé et, même si cette histoire est maintenant ancienne, ils n’ont cessé de se revoir pour bavarder et promener leurs chiens. Cette amitié les a amenés au cœur d’aventures sombres et peu banales à Paris (Un ami en trop) ou en croisière dans le Grand Nord (Les innocents).

Ici, Olivier nous raconte l’étrange histoire qu’ils ont vécue pendant des vacances dans les Pyrénées. « Nous étions arrivés la veille dans ce village du Capcir où nous avions déjà fait plusieurs séjours communs, et nous revenions d’une randonnée qui nous avait conduits à la limite des alpages. Mon spitz-loup, Ulysse, qui commençait à prendre de l’âge, marchait sagement à mes côtés mais son fils Hélios, que j’avais offert à Gilles et qui n’avait pas encore deux ans, n’avait pas  épuisé son énergie et courait devant nous à une cinquantaine de mètres. Mon ami siffla, obtenant une obéissance immédiate qui me fit admirer une fois de plus ses talents d’éducateur canin. »

Pourtant, dans ce roman, ce ne sont pas les chiens qui vont se trouver au cœur de l’intrigue mais les chevaux. Pour des raisons différentes (chute, accident, phobie), chacun a renoncé à l’équitation et l’occasion se présente de renouer avec cette passion de l’enfance avec la présence à proximité du village d’un centre équestre tenu par un jeune couple, Tristan et Thérèse, et Aude la sœur jumelle de Tristan.

En alternance avec le récit d’Olivier, des extraits du journal de Tristan apportent une vision plus personnelle de ce qui se joue dans cet établissement créé par les parents des jumeaux. Le jeune homme y parle des relations difficiles entre Aude et Thérèse et surtout d’Ignis, l’étalon blanc qu’il interdit à quiconque de monter sans son accord.

Olivier est très attiré par Aude. Passionné depuis toujours par les chevaux, il a écrit un livre que la jeune femme a eu l’occasion de lire et qu’elle a apprécié. Voilà un élément qui les rapproche.

Un jour, au retour d’une promenade, alors que tout le monde est présent au centre, ils ont la surprise de voir arriver Ignis sellé et harnaché mais sans cavalier sur le dos. L’étalon était censé paître tranquillement dans un pré. Qui l’a ainsi préparé et fait sortir à l’insu de Tristan ? La réponse sera fournie par les gendarmes lorsqu’ils retrouveront le corps de Christophe, un client du centre, piétiné dans une pinède. Tristan savait que ce client avait envie de monter Ignis mais il ne l’y autorisait pas parce que le client était partisan de la méthode dure, où le cavalier doit imposer son autorité au cheval, à la cravache si nécessaire.

Dans son journal, Tristan raconte son entretien avec les gendarmes. « Voilà, ai-je ajouté, comment j’imagine la scène : Christophe tient l’étalon par la bride et lui inflige plusieurs coups pour casser sa résistance. Ignis, que jamais personne n’a traité ainsi, se cabre et renverse son tourmenteur qui tombe sur le dos et qu’il piétine avec frénésie, parce que la souffrance et la terreur l’ont rendu fou. » Cela semble évidemment tout à fait plausible…

Olivier, toujours attentif au comportement de la jolie Aude, est étonné et même accablé par la façon dont la jeune femme, pendant une balade collective, alterne les sourires et les rebuffades face aux avances d’Éric un autre cavalier. Lorsqu’Éric, lassé par les refus de la jeune femme, avoue qu’il se résigne à abandonner l’idée de la séduire, c’est elle qui le relance. « Ce qui me chagrine, c’est que vous renonciez si vite. Puisque vous voulez le savoir, j’aime les hommes que les obstacles n’arrêtent pas, qui les franchissent hardiment au lieu de les refuser comme un cheval vicieux. » Olivier est un peu jaloux mais surtout déçu par l’attitude contradictoire d’Aude envers Éric. A quoi rime ce petit jeu ?

Quand on retrouvera le corps d’Éric piétiné par Ignis, de nouvelles questions vont surgir…

Ce roman, au-delà de l’enquête policière autour des deux victimes de l’étalon blanc, brasse de nombreux thèmes : l’amour, l’amitié, la jalousie, la relation fusionnelle des jumeaux, les séquelles des traumatismes de l’enfance ou de l’adolescence, l’éthologie, les chiens, les chevaux, la beauté de la nature… Beaucoup de raisons de se plonger dans ce livre qui fait découvrir autant la richesse des paysages et le comportement des animaux que le fond de l’âme humaine. Tout cela au fil d’une l’écriture incisive qui se diversifie selon qu’il s’agisse du récit d’Olivier, du journal de Tristan ou du rapport des gendarmes. Une nouvelle aventure à ne pas manquer.

Serge Cabrol 
(06/04/18)    



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Noir & polar








La main multiple

(Mars 2018)
120 pages - 15 €





Sylvie Huguet
a déjà publié environ
cent cinquante nouvelles
dans diverses revues,
neuf romans et
huit recueils de nouvelles.


Bio-bibliographie
sur son site : www.sylviehuguet.com/



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La mosaïque du fou

Le passage

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Le dernier roi des elfes

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de Montaigne

Avec elle

Un ami en trop

Rouge Alice

Un si lointain appel

Les licornes de Thulé

Les innocents

Point final

Glaive de jais