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Pierre est un enfant unique de 13 ans solitaire et inquiet. Son père travaille beaucoup, sa mère restée à la maison ne s’anime qu’un livre à la main et lui attend avec impatience le pique-nique en forêt du dimanche. L’occasion, pour le gamin qu’il est encore, de grimper aux arbres, celle pour le père de se livrer à sa passion pour la photographie. Il mitraille sans s’arrêter ce et ceux qui l’entourent avec un plaisir absolu qu’il prolonge les jours suivants en développant ses clichés dans le laboratoire de poche qu’il s’est installé dans la maison familiale. « J’aime découvrir la façon dont il capte le monde. [...] Il cadre la nappe, les motifs colorés, des cercles comme des ondes sur l’eau après la chute d’une pierre, les aliments, les assiettes [...] puis recule pour avoir tout le monde dans le champ. » Les dimanches passent et se ressemblent. Pourtant, ce jour-là, imperceptiblement l’atmosphère s’alourdit. Les paroles et la situation semblent près de déraper et l’électricité ambiante échauffe les esprits des mâles plus encore que le soleil et l’alcool. Le moment de détente dérive progressivement façon basse-cour, avec les femmes qui caquettent, les hommes qui paradent comme des coqs éventuellement prêts au combat, les petits poussins, à l’exception de Pierre, qui ne voient rien et s’ébattent sous le regard protecteur des grands. Lui, l’attention soutenue qu’il porte au moindre geste de Jeanne et sa sexualité en éveil le rendent plus poreux à la tension des désirs et frustrations latentes qu’il devine dans les deux couples plus qu’il ne les comprend. Cette inquiétude sourde et indéfinie qui l’étreint l’amène à renforcer sa surveillance rapprochée, transformant l’adolescent en témoin parfait de ce drame que déjà on pressent … Ce récit qui débute comme un roman d’initiation pour se laisser envahir par la tension des corps et des esprits et bifurquer brutalement vers le polar, sait surprendre et captiver le lecteur. L’écriture directe et fluide, fort probablement enrichie par l’expérience personnelle de l’écrivain comme scénariste et réalisateur, est très visuelle. L’omniprésence de l’objectif-photo du père, à travers lequel certaines scènes clés nous sont restituées au cours du récit, offre un écho parfait à la dualité intérieur/extérieur du jeune héros. Félicitation à l’auteur qui dans cette éducation sentimentale aussi sombre et tendue que lumineuse sait nous ménager dans les toutes dernières pages un beau rebondissement. Ne pas oublier que la jolie forêt qui sert de décor aux pique-niques dominicaux des familles a hanté de nombreux contes de ses dangers et maléfices… Dominique Baillon-Lalande (23/01/18) |
Sommaire Lectures Mercure de France (Janvier 2018) 192 pages - 17,80 €
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