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Éric-Emmanuel SCHMITT

La vengeance du pardon



Ce nouveau livre d’Éric-Emmanuel Schmitt explore avec violence et beaucoup de tendresse les sentiments et émotions incontournables de nos existences. À petits coups de phrases savamment ciselées, il nous raconte quatre destins, quatre histoires, avec une redoutable acuité.

Les sœurs Barbarin
Jusqu’à l’anniversaire de leurs quatre ans, Lily et Moïsette vivent dans la symbiose de leur gémellité. Mais ce jour-là, Moïsette n’a qu’une seule envie, le cadeau de sa sœur, une poupée blanche vêtue de satin blanc, rejetant l’ours en peluche que ses parents lui offrent. Ce jour-là, s’ouvre pour les deux jumelles les portes du détachement spéculaire : « Pour Lily, cela constitua une information ; pour Moïsette un deuil. »
Les années s’écoulent.
Les deux sœurs se marient ; les deux sœurs sont stériles.
Leurs maris morts, elles vivent ensemble dans la maison de leurs défunts parents.
À quatre-vingts ans, Lily est jugée pour le meurtre de sa sœur Moïsette, tombée mystérieusement au fond d’un puits.
Avec son lot de suspense et de rebondissements, l’histoire des sœurs Barbarin, racontée à la façon d’un conte cruel, explore l’enfance, lieu où se forgent nos bases affectives. L’auteur de La part de l’autre nous offre, avec ce premier opus, une analyse psychologique, aussi fine qu’intéressante.
La chute est superbe.

Mademoiselle Butterfly
Très mal venu que ce scandale financier au sein de la banque dont William Golden est le propriétaire. Son fils James, créateur d’un pseudo-fond d’investissement, a élaboré une véritable arnaque, une dette de quatre milliards, vouant la banque de son père à la ruine. Dix hauts responsables financiers sont réunis, à la Tour Golden, pour trouver une solution, mais James dort ; et il ne faut pas le déranger.
Avec cette deuxième histoire, on revisite l’enfance de William Golden, qui a toujours eu l’âme d’un chef et le souci de dominer les autres.
Dans sa jeunesse, en vacances en Savoie, « Aigle des aigles » de sa bande de copains, c’est par un « Chiche ! » qu’il couche avec Mandine, une attardée mentale plantureuse, surnommée Simplette qui vit avec sa chèvre Blanquette et son grand-père Zian.
Pari réussi et consommé avec en prime Jébé - surnom de James - le fils de Mandine.
Quelques années plus tard, James s’en vient vivre avec son père à Paris. Il entre au collège Stanislas et apprécie le luxe de l’hôtel particulier où désormais il habite. Il s’éloigne de sa mère et du milieu savoyard de son enfance.
William initie son fils à l’opéra. L’emmène voir Madame Butterfly de Puccini, métaphore de sa propre histoire.
Après de hautes études, James Golden travaille à la banque de papa jusqu’à ce que survienne un grave problème de santé : on lui diagnostique une sévère nécrose aux reins et il faut envisager, de toute urgence, une transplantation.
Éric-Emmanuel Schmitt convoque le passé et le présent. Un peu comme si nos actes d’enfance finissaient tôt ou tard par nous rattraper. Un peu comme si notre destin avait les résonnances d’une programmation inéluctable.
Ce qui  frappe avec Mademoiselle Butterfly, c’est l’émergence du monde poignant et sensoriel de William Golden. Sous ces côtés inflexibles, se masque l’amour qui finit par déployer ses ailes.
Une fin bouleversante.

La vengeance du pardon
L’histoire  se passe dans le huis clos d’un parloir des condamnés à perpétuité de la prison d’Ensisheim en Alsace. Sam Louis y est incarcéré pour le viol et l’assassinat de quinze femmes. Elise Maurinier, traductrice, loue un studio à proximité de la prison et rend visite à ce monstre qui a violé et tué sa fille Laure âgée de vingt-trois ans.
Que veut-elle ?
Pourquoi rend-elle visite à ce tueur pervers passé au peigne fin des analyses psys ?
Abandonné par sa mère, Sam Louis ne comptait pas plus pour elle « qu’une merde qu’elle aurait chiée au bord d’un chemin. » En famille d’accueil chez les Vartala, mis à l’écart au sein même de cette famille, il « ne sait même pas s’il a envie d’être humain. » Son seul réconfort identitaire est celui de s’être assimilé à un tigre, à ce chasseur solitaire qui surprend ses proies et les tue avec délectation.
Un lien étrange, au gré des visites à la prison, va relier ces deux êtres aux antipodes l’un de l’autre. Une sorte de folie salvatrice motive Elise, incapable d’entreprendre le deuil de Laure. Au gré des visites à la prison, elle parvient à ouvrir les vannes de la confidence du monstre.
À l’instar des psys, Éric-Emmanuel Schmitt nous pilote aux confins des plus lointaines profondeurs de nos êtres. Il y déniche les racines de nos comportements futurs, enfouies-cadenassées dans les arcanes de l’enfant, avant de les mettre à nu.
Et si Sam Louis se révélait être, non pas un fauve monstrueux, mais tout simplement un homme au cœur tendre et sensible ?
On ressort sonné par ce troisième opus.

Dessine-moi un avion
Une parabole singulière, originale et insolite, mâtinée de rebondissements imprévus que cette quatrième histoire. Daphné, huit ans, une fillette aux cheveux blonds, franchit un jour le mur de la villa de ses parents, qui jouxte celle de Werner Von Breslau, quatre-vingt-douze ans, un aviateur à la retraite, avant de lui énoncer la célébrissime phrase : «  S’il te plaît, dessine-moi un avion ! »
Sous un tilleul du jardin de Werner, l’enfant et le vieillard, vont disséquer, au fil de leurs rencontres, Le Petit  Prince, dont Werner n’a jamais entendu parler où, Daphné déteste la rose, « cette coquette futile qui échoue à recevoir l’amour du petit prince ».
Werner veut en savoir davantage sur ce « Petit prince » et ce Saint-Exupéry. Il se rend à La Maison de la Littérature, en centre-ville, où un conférencier relate l’existence de l’aviateur-écrivain. Pendant la guerre, Werner était un pilote de chasse et le 31 juillet 1944, alors qu’il volait au large de Marseille, en son Focke-Wulf Fw 190, il a mitraillé, sans le savoir, le Lockheed P-38 Lightning de Saint-Exupéry.
Fort de cette découverte, doit-il annoncer à Daphné « qu’il a liquidé son auteur préféré ? Leur auteur préféré ? »
Le lendemain, c’est lui qui demande à l’enfant : « S’il te plait, dessine-moi un avion ! »
Deux destins se croisent.
Se télescopent, les paroles innocentes de l’enfant Daphné et celles troublées du vieil homme Werner qui, aux approches de la mort, effectue son ultime examen de conscience.

Patrick Ottaviani 
(14/09/17)   



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Albin Michel

(Septembre 2017)
336 pages - 21,50 €













Éric-Emmanuel Schmitt,
né en 1960, normalien, agrégé de philosophie, docteur (thèse sur Diderot), romancier, nouvelliste et dramaturge, est l'auteur d'une trentaine de livres traduits en plus de quarante langues. Ses pièces sont jouées régulièrement dans plus de cinquante pays.



Visiter le site
de l'auteur :
www.eric-emmanuel
-schmitt.com










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