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Joyce MAYNARD

Un jour, tu raconteras cette histoire



Un couple se rencontre, se découvre, s’aime, se lance dans une suite d’aventures folles et passionnées pendant trois ans. Quand l’un des deux est atteint d’un cancer mortel à court terme, que devient leur amour, quelle forme prend leur vie ? C’est le sujet de ce récit bouleversant, la réponse à cette demande du mari fauché par la maladie : Un jour, tu raconteras cette histoire.

Joyce Maynard est une romancière appréciée et reconnue dont l’œuvre est traduite en plusieurs langues et adaptée au cinéma mais sa vie personnelle ne lui a pas toujours apporté autant de satisfaction. Son premier mariage n’a pas été une réussite et le divorce a été douloureux. Le temps a passé, elle a rencontré des hommes, vécu des histoires plus ou moins agréables, jusqu’à ce jour de 2011 où, à cinquante-huit ans, alors qu’elle commence à douter de vivre enfin une véritable passion, sa route croise celle de Jim, divorcé lui aussi, disponible et, rapidement, très amoureux. Tout pourrait alors être pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Mais dès la première page du livre, un prologue nous apprend que le temps de leur romance sera compté : trois ans de bonheur et dix-neuf mois de combat contre un cancer du pancréas.
Le livre est partagé en deux parties : Avant / Après.

« Avant », ce sont les trois premières années de leur vie commune, un tourbillon endiablé de voyages, de fêtes, de précieux instants partagés. Tous deux divorcés depuis vingt-cinq ans, ils approchent la soixantaine et fourmillent de désirs inassouvis.
Cette première partie est aussi intéressante pour le lecteur par la découverte mutuelle des deux amants, leur rapprochement, leurs doutes après tant d’essais et d’échecs. Après un premier échange par écrit sur un site de rencontres, ils vont se téléphoner et parler, se raconter pendant des heures.
Le lecteur découvre ainsi le parcours de chacun. Jim parle beaucoup de la violence de son père qui décidait de tout. Il aurait aimé étudier la musique amis il a dû faire du droit.  Il est devenu un très bon avocat, s’est marié à vingt et un ans, a eu deux fils et une fille,  mais, peu après la naissance de sa fille il est tombé amoureux d'une autre femme. « Entravé moins par les règles strictes de la reli­gion que par sa morale personnelle, il n'eut pas de liaison avec elle. Mais il expliqua à sa femme qu'il devait mettre un terme à leur mariage. » Ayant divorcé, il s’est senti libre et a ensuite entretenu une relation pendant dix-neuf ans avec une autre femme mais sans jamais vivre avec elle. « Il m’expliqua que l’extrême hostilité entre cette femme et au moins deux de ses enfants avait finalement eu raison de leur histoire. »
Joyce aussi, se raconte. « En 1973, à dix-neuf ans, tandis que je me remettais de ce que je croyais être à l'époque le plus grand chagrin d'amour de ma vie, j'avais utilisé l'argent des ventes de mon premier livre pour y acheter une ferme – vingt hectares au bout d'un chemin de terre. J'étais alors persuadée que j'allais passer ma vie sur ce lopin de terre et, quatre ans plus tard, quand j'ai rencontré l'homme qui devait devenir le père de mes trois enfants, j'ai pensé que nous allions rester ensemble dans cette ferme jusqu'à la fin de nos jours. » Mais à 35 ans elle quittait la ferme avec ses trois enfants en y laissant son mari…

Ils se racontent leurs histoires personnelles et certaines sont difficiles à évoquer. Pour Joyce, c’est notamment l’histoire de l’adoption de deux petites filles éthiopiennes, une aventure compliquée et douloureuse qui s’est conclue par la ré-adoption des filles par une autre famille.  « Ces quatorze mois m'avaient si profondément ébranlée que je n'avais plus de certitudes, sinon que les parents ne doivent pas attendre de leurs enfants qu'ils comblent leurs besoins. On n'adopte pas un enfant parce qu'on a besoin de plus d'amour. Il vaut mieux avoir déjà résolu le problème de l'amour.

« Avant », c’est donc pendant cent cinquante pages, une alternance de confidences et de moments heureux. C’est un combat pour la justice, aussi, qu’ils ont mené ensemble pour soutenir un jeune Nigérian qui a obtenu une bourse pour faire des études de médecine à San Francisco, une initiative qui n’était pas du goût de deux membres éminents de la faculté qui ont tout fait pour que le diplôme ne lui soit pas délivré ce qui signifiait, outre l’anéantissement d’un rêve, le remboursement de sommes importantes. Jim a accepté de défendre le jeune homme devant le comité de surveillance de la faculté, mais malgré l’aide précieuse de Joyce et le temps fou qu’ils ont consacré à cette affaire, la décision est restée irrévocable. On ne gagne pas à chaque fois ! Mais une plus mauvaise nouvelle les attendait au coin de la vie…

Page 160, suite à des douleurs, et une série d’examens, une petite phrase vient toucher leur bel amour en plein vol : « Seule une endoscopie pourra le confirmer mais il semble à peu près certain que vous avez une tumeur au pancréas. »

On entre alors dans la deuxième partie, « Après »…
Et c’est une nouvelle forme de leur histoire d’amour. Il y a, bien sûr, les angoisses, les souffrances, les traitements, les rencontres avec les médecins, mais aussi le combat mené ensemble, les contacts avec des associations, des groupes ou des familles de malades, un soutien mutuel, une entraide, et les moments de rémission où tout redevient possible, les fêtes, les repas, les voyages… Et puis les rechutes…

Avant et Après, deux versants d’une très belle histoire d’amour, une leçon de vie et de courage, un récit aussi passionnant que passionné. L’auteur partage en toute transparence ses espoirs, ses doutes, ses instants de bonheur et de détresse au fil d’un récit émouvant dont le lecteur ressort à la fois bouleversé et renforcé par tant d’énergie, reconnaissant aussi d’une telle sincérité et de la précision du langage dans des situations si difficiles à exprimer. Une œuvre qui pourra aider bien des personnes confrontées à des épreuves douloureuses.

En 2016, l’auteur assiste à la télévision à l’élection de Donald Trump alors qu’elle anime un atelier d’écriture en Floride. « Abasourdis, les plus jeunes se sont mis à pleurer. Je pris dans mes bras ces jeunes femmes de vingt-six, trente-deux et trente-sept ans. "Vous n'imaginez pas à quoi on peut survivre." Une des vérités qu'on connaît à soixante-trois ans et peut-être pas à trente. »

Serge Cabrol 
(19/10/17)    



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Lectures








Philippe Rey

(Septembre 2017)
432 pages - 23 €


Traduit de l’anglais (USA)
par Florence Lévy-Paoloni

















Joyce Maynard,
née en 1953 dans le New Hampshire, a publié une quinzaine de livres. Celui-ci est le neuvième paru en français chez Philippe Rey.


Bio-bibliographie sur
Wikipédia







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