Retour à l'accueil du site





Wendy GUERRA

Un dimanche de révolution



Un dimanche de révolution est habité par la poésie. Cléo, la narratrice est poète et écrivain cubaine. Certains poèmes sont insérés dans le roman, d’autres sont présentés à la fin de l’ouvrage, sa langue est poétique. C’est aussi une fiction ; Cléo est considérée comme l’ennemi de la révolution par le régime cubain et comme une espionne castriste par les exilés cubains au Mexique. Tout le monde se méfie d’elle et elle ne comprend pas pourquoi.

Ses parents viennent de mourir : un crime politique maquillé en accident de voiture…Elle est profondément déprimée par le deuil et par la solitude. Mais Cléo est aussi l’objet d’interrogatoires, de perquisitions incessantes de la police. Son matériel est réquisitionné, son travail volé.

« Pourquoi moi ? Qui suis-je pour eux ? Mais, surtout qui suis-je pour moi ? Pourquoi personne ne vient-il me voir depuis la mort de mes parents ? Qui peut me le dire ? Quelqu’un qui n’éprouverait pas cette peur ? »

Un jour surgit de nulle part un célèbre acteur d’Hollywood, Gerónimo Martines, qui veut faire un film sur le père de Cléo. On sait que Wendy Guerra est également cinéaste et certains évènements sont écrits comme un thriller cinématographique. Mais il ne s’agit pas de l’homme que Cléo a connu comme étant son père. Toute sa vie bascule, elle n’est pas celle qu’elle croyait. Cela devient un cauchemar ; elle ignorait tout de son vrai père, de la vie de sa mère aux USA. Cette recherche du père est un thème que Wendy Guerra  a déjà traité dans  « Poser nue à la Havane » qui est le journal mi réel, mi inventé d’Anaïs Nin à la recherche de son père à Cuba. Mais ici la révélation d’une généalogie inconnue me semble être une métaphore de l’impossibilité d’être quelqu’un, de  penser librement, de vivre avec des convictions à Cuba.

Cléo est harcelée par les « segurosos », les agents de la sûreté de l’Etat ; quand elle reçoit un prix décerné par Madrid pour un recueil de poèmes, on l’accuse de connivence avec l’impérialisme. Quand elle invite des écrivains cubains ils refusent comme si elle était pestiférée.

« Je vivais dans un pays où tout le monde semblait s’être ligué pour me fermer la porte au nez, ou peut-être est-ce ma névrose qui générait ce phénomène. »

Malgré son prix, aucune maison  d’édition cubaine ne veut publier son recueil.  Les fonctionnaires de la sûreté ont décidé que Cléo est une dissidente. « Pourquoi dissidente ? Il ne s’agissait pas de ma poésie mais de mon statut, celui qu’ils m’avaient eux-mêmes fabriqué sans s’en apercevoir… J’étais une dissidente et "ils s’occupaient généreusement de mon cas". »

Wendy Guerra fait vivre au lecteur le malaise de sa narratrice, l’enfer qu’elle subit, l’opération de dépersonnalisation dont elle fait l’objet. Il y a bien sûr beaucoup d’éléments réels dans la peinture de ce régime à bout de souffle. Mais ce qui est touchant c’est qu’elle aime Cuba car c’est son pays, son âme.
« Je sais que parfois, en bas, la vie est infernale. Ceci n’est-il pas mon enfer ? »
« Je vais me chercher là-bas, j’appartiens à cette terre. C’est mon odeur et ma lumière. Je suis perdue et je viens me retrouver ici. »

Cet amour pour son pays donne à ce roman une certaine douceur qui tempère la violence dévastatrice de la répression. Comme dans la vie, tout n’est pas à jeter et l’ambivalence de la narratrice est assumée par l’auteur.

Nadine Dutier 
(24/08/17)    



Retour
Sommaire
Lectures








Buchet-Chastel

(Août 2017)
216 pages - 19 €


Traduit de l’espagnol
(Cuba) par
Marianne Millon








Wendy Guerra,
née à La Havane en 1970, poète, romancière, blogueuse et cinéaste, a suivi les ateliers d’écriture que Gabriel García Márquez anime tous les ans à Cuba. Un dimanche de révolution
est son quatrième roman.

Bio-bibliographie
sur Wikipédia