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François-Henri DÉSÉRABLE


Un certain M. Piekielny

« Et dans ses prières du matin il ne Lui demandait qu’une seule chose, une toute petite chose dérisoire et grandiose qui m’émeut infiniment : que les damnés de la Terre fussent connus, ne serait-ce qu’un instant, de ceux qui en sont les maîtres. »

Et comme souvent « Lui » est ailleurs, c’est au jeune prodige appelé à un destin incroyable, aux dires de sa mère, que le petit bonhomme effacé, monsieur Piekielny, adresse sa prière : quand  tu seras célèbre, dis aux grands de ce monde « qu’au n°16 de la rue Grande-Pohulanka, à Wilno, habitait M. Piekielny… » L’enfant de Wilno, devenu écrivain, raconte dans sa « biographie » qu’il a tenu sa promesse.

« Mais il a fallu, pour que naisse l’idée de ce livre, que s’agencent parfaitement bien des subjonctifs imparfaits : que La Promesse de l’aube fût au programme du bac de français ; que sa lecture me fît chavirer ; que des années plus tard un jeune homme devînt mon ami ; qu’il rencontrât une jeune fille et qu’il en tombât amoureux ; que cet amour fût réciproque et durable ; qu’il fît sa demande en mariage sur une plage de Croatie […] » bref qu’au bout d’une douzaine encore de subjonctifs, notre auteur parte à la recherche de « cette souris triste », ce monsieur Piekielny qui avait habité là où est né Roman Kacew, devenu Romain Gary, Emile Ajar, le champion du mentir-vrai !

Et si dans Évariste, F-H. Désérable, nous entraîne dans les rues de Paris en pleine révolution de Juillet, à la suite du jeune mathématicien, dans un galop éperdu que j’ai perçu comme soutenu par le  rythme du quatuor La Jeune fille et la mort, , nous errons avec lui dans le labyrinthe des rues de Vilnius,  sur les traces de ce pauvre petit Juif qui va certainement subir le même sort que ses coreligionnaires, accompagné par une ample, lancinante et tournoyante musique klezmer.

Notre écrivain, atteint d’ « une d’affection chronique […] qui consiste […] à se représenter l’environnement dans lequel il évolue non pas tel qu’il est, mais tel qu’il a été à une période donnée de l’Histoire. » va plonger avec ce personnage de La Promesse de l’aube, dans le passé de Vilnius et de son effroyable efficacité dans la destruction de sa population juive. Il va mêler à ce passé, le présent de son errance dans la ville d’où ressurgit, par endroits, la « Jérusalem de Lituanie ». Et, avec beaucoup d’humour, il va évoquer sa propre vie d’écrivain et de lecteur et les effets pervers et fascinants de miroirs, de chausse-trappes, de renvois que provoquent les livres… Effets qui me poussent à faire ce mauvais mais sincère jeu de mot : avec François-Henri, c’est toute la littérature qui devient « Désérable ! »

Sylvie Lansade 
(07/11/17)    



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Lectures








Gallimard

(Août 2017)
272 pages - 19,50 €




François-Henri Désérable,
né à Amiens en 1987,
a obtenu plusieurs
prix littéraires pour
Tu montreras ma tête au
peuple
et Évariste.


Bio-bibliographie sur
Wikipédia



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du même auteur :
Évariste