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Andreï ASTVATSATOUROV

Les gens à nu


« Ces nouvelles personnes sincères ont besoin
d’une littérature sincère. La  littérature,
à son tour, a besoin d’un public nouveau. »

Le livre qui n’est ni un roman, ni un récit se présente comme une suite de saynètes ou d’anecdotes autobiographiques d’une jeunesse  pétersbourgeoise et soviétique, à chaque fois titrées. « L’analyse d'urine… Comment un kangourou vit avec un éléphant… Les pantalons en cuir… Les toilettes de l'université… » Il est divisé en deux parties.

La première partie est consacrée à la jeunesse de l’auteur, de l’école primaire à sa vie d’étudiant. Dans Les gens à nu et La gamme à globuline, on peut voir dans une sorte de glissement les thèmes du livre. Tout d’abord une réflexion générale : « Être seul, c’est être complétement sans défense […] Être seul, c’est ne rien posséder. N’avoir aucun objet à soi […] Tu es complétement nu. Une personne solitaire est complétement sans défense. Surtout si c’est une petite personne, […] qu’il n’a que sept ans. Pour une petite personne se montrer nu, c’est la honte. » Cette réflexion au départ générale finit sur le sujet de cette première partie, l’enfance et sa fragilité.

Suit un souvenir de jeunesse. Dans les années soixante-dix, ses parents avaient recueilli un enfant vietnamien. Celui-ci avait écrit un scénario où une Vietnamienne se fait violer par les soldats américains et s’enfuit dans un couvent. À la fin de la guerre, le mari revient au village et parcourt la moitié du pays à la recherche de sa femme. Le scénario commençait ainsi : « Les violeurs américains violent une femme vietnamienne en nu. La femme en nu appelle au secours. Des rires ignobles. » « Femme en nu » parce que la veille on lui avait montré des tableaux de femmes en bleu, en blanc, en noir, alors pourquoi pas « en nu ». Son scénario a été refusé par les autorités vietnamiennes car jugé, beau et léger, trop bourgeois, pas assez dans la ligne du réalisme socialiste. Le souvenir nous montre une femme seule, à nu, un enfant qui a produit une littérature sincère, sans la cire des théories, devenu bien seul, à nu, et une critique de l’art d’état.

La saynète se termine par un dernier souvenir d’école. « Chaque année à l’école, avant la rentrée, on nous soumettait à une visite médicale. Elle se terminait par une procédure humiliante pour l’enfant. L’infirmière demandait au petit patient de s’étendre […] baissait ensuite le slip de l’enfant allongé et lui piquait dans les fesses de la gammaglobuline. Ce n’était pas seulement douloureux et humiliant à la fois […] Tu sentais sur toi, tes fesses nues et honteuses, les regards de tes camarades de classe. Surtout ceux des filles. « Gamme à globuline »  quand j’entendais ce groupe de mots, la solitude me semblait particulièrement insupportable. » Ainsi nous aurons vu des solitudes, des mises à nu.

La deuxième partie est consacrée à la vie adulte, toujours à Saint-Pétersbourg, capitale du nord de la Russie maintenant, toujours avec des anecdotes, mais beaucoup plus de critique littéraire, particulièrement de la littérature moscovite.

Les Gens à nu, c’est un autoportrait en dérision de l’auteur, c’est la solitude de l’homme moderne qui se met à nu, c’est un plaidoyer pour une « littérature sincère » qui regarde vers la littérature américaine revisitant la littérature russe.

Michel Lansade 
(07/12/17)    



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Macha

(Septembre 2017)
250 pages - 18,90 €


Traduit du russe par
Florent et Irina VERJAT








Andreï Astvatsatourov,
né à Leningrad en 1969,
est un professeur
et écrivain russe.
Les gens nus
est son deuxième roman
chez le même éditeur.