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Danielle THIÉRY


La guerre des nains


La guerre des nains, ce sont des adolescents qui s'affrontent au paint-ball, Red Dragons contre Bad Snakes. Mais leur guerre à eux, celle où on se relève après avoir été touché, va se télescoper avec l'autre guerre, celle avec de vraies armes, où les morts ne ressuscitent pas. Pendant une semaine, une course contre la montre va s'engager entre les uns et les autres, une guerre dont tous ne sortiront pas indemnes.

Pendant une partie de paint-ball, un des ados, Olivier, est touché mais pas par une bille de peinture. C'est une vraie balle qu'il a reçue dans l'épaule. Son copain, Bertrand, dit Biboul, va chercher du secours mais quand il revient avec Philippe, le frère d'Olivier, ce dernier a disparu. A-t-il été enlevé ? Par qui ? Pourquoi ? Mystère… A moins que ça ait rapport avec ces caisses trouvées dans une partie interdite du fort où ils jouent, des caisses qu'ils ont emportées et cachées mais qu'ils se sont fait voler. Mais ça, pas question d'en parler aux adultes !

Mme Tourville, la mère d'Olivier, appelle la police mais la disparition d'un garçon de dix-sept ans peut avoir de nombreuses causes avant qu'on prenne au sérieux l'hypothèse d'un enlèvement. Difficile d'ouvrir tout de suite une enquête avec si peu d'éléments.

Le commandant Marc Le Guenec est tout de même touché par l'angoisse de la mère. Il est bougon, parfois agressif et flirte sévèrement avec l'alcool depuis que sa femme et son fils sont morts dans un accident de voiture dix ans plus tôt. Mais il n'a pas perdu toute sensibilité et le lendemain il décide de se rendre sur les lieux de la bataille de paint-ball pour voir si quelques indices pourraient étayer la thèse de l'enlèvement.

Pendant cette sortie sur le terrain, le commissariat est attaqué, une jeune policière tuée, des armes et un véhicule volés…

Le commissariat est dans une zone sensible à proximité de la cité de la Dame-Blanche.
"Avec un peu d'imagination et de la chaleur en plus, on se serait cru dans n'importe quel faubourg de n'importe quelle grande ville d'Afrique. Des grappes d'enfants dépenaillés se disputaient des ballons à bout de souffle en slalomant autour de quelques carcasses de voitures sans roues posées sur des cales de fortune. Il y avait même un camion, un vieux Berliet désossé, dans lequel les mômes rejouaient inlassablement la guerre du Golfe avec des fusils en plastique. Bientôt, ils en auraient de vrais et ils iraient faire la guerre dans la capitale. Pas la guerre des nains, celle qui tue pour de vrai."
Dans cette cité vit Naïma, une jeune fille dont est amoureux Loïc, le petit stagiaire du commissariat. Mais le frère de Naïma, Sélim, est lié à Aziz, musulman intégriste favorable au Jihad, et Aziz veut Naïma. Heureusement, Jamal, le cousin de Sélim, protège la relation Naïma-Loïc, et essaie d'arranger les mauvais coups, toujours perché sur son vélo de course parce qu'il veut devenir cycliste professionnel. Mais l'aide de Jamal est bien mince face à la détermination d'Aziz.

A côté de la Dame-Blanche, il y a une autre cité, les Acacias, d'un meilleur niveau social, où vivent les "nains" qui jouent à la guéguerre en peinture. Cité où habitent par exemple des enseignants comme la prof de français, Mme Dorlac, dont la fille Fleur s'est embarquée dans une autre forme de guerre, contre la société et le capitalisme. Elle joue à Bonnie and Clyde avec Antony qui s'est rapproché de Sélim et Aziz malgré l'aspect religieux de leur combat.
"Il faut nier Dieu, clamait Antony en aparté, l'esclavage divin conditionne tous les autres."
Pourtant, il acceptait d'entrer dans leur guerre, parce que leur guerre, c'était la même que la sienne. Celle des opprimés de la Dame-Blanche. Des blacks, des beurs, des bridés et des mômes de la DDASS comme lui. Antony Lambert, fils de X... et de X... Parents inconnus. Il n'avait connu que les coups et l'indifférence dans une famille d'accueil qui ne l'avait accepté que pour les quelques sous que cela lui rapportait. Avec le recul, il se demandait s'il n'avait pas préféré les coups à l'indifférence.

Ceux-là, les armes qu'ils vont employer ne fonctionnent pas avec des billes de peinture !

A tous ces personnages du commissariat, de la Dame-Blanche et des Acacias, on peut ajouter un ancien flic, Mike, totalement dépendant de la drogue, et on obtient un univers qui va connaître une semaine de grande violence. Qui va réussir à s'en sortir ? Suspense…

Un roman passionnant, plein d'action et d'émotions, écrit il y a une quinzaine d'années, bien avant les émeutes de 2005, et dont la présente réédition montre que la situation de l'époque ne s'est pas améliorée, loin de là, et que les kalachnikov sont malheureusement toujours bien plus dangereuses que les armes de paint-ball. L'auteur, qui a été la première femme de la police française à accéder au grade de commissaire divisionnaire, sait de quoi elle parle et continue inlassablement à mettre en scène ce rapport entre la police et la société au fil d'une œuvre qui compte aujourd'hui une bonne quinzaine de titres récompensés par le Prix du polar de Cognac, le prix Exbrayat et le prix du Quai des Orfèvres. De sérieuses références !

Serge Cabrol 
(12/08/13)    



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Noir & polar








Belfond

(Juin 2013)
288 pages, 16 €



J'ai lu

(Mai 2017)
384 pages - 7,60 €













Danielle Thiéry,
ancienne commissaire divisionnaire, est l'auteur de dix-sept ouvrages : polars, romans policiers jeunesse, documentaires. Elle a été récompensée par plusieurs prix, dont le prix du polar à Cognac, le prix Exbrayat, et le Prix Quai des orfèvres 2013 pour Des clous dans le cœur (Fayard).



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