Lorsque la fiction romanesque s'appuie quelque peu sur la réalité historique, l'auteur navigue entre deux écueils, également dangereux, que les historiens connaissent bien : celui de n'en révéler jamais assez et celui d'en livrer toujours trop. Avec Les rois de l'horizon, Janine Teisson (née à Toulon en 1948) invente Meriem, la narratrice, née dans un douar algérien en 1834. Photographe retraitée à Paris, celle-ci raconte à son petit-fils Félix dans quelles circonstances elle rejoignit à quatre ans les tribus ralliées à la smalah d'Abd el-Kader (1808-1883), recueillie par Slimane, conteur de rues et reggam, c'est-à-dire concepteur de tapis, après le massacre de sa famille par les militaires français. L'émir nomade, en revanche, poète religieux et franc-maçon érudit proche de Napoléon III et de Ferdinand de Lesseps, est l'objet d'une savante et rigoureuse reconstruction qui éclaire le profil du plus romantique des adversaires de la France en terre arabo-berbère au XIXe siècle.

L'auteure traite avec tendresse mais sans mièvrerie l'histoire du chef légendaire et charismatique que le père adoptif de Meriem, le peintre aux armées Eugène Meynard, saura parer d'un dessin étonnant et réaliste, à la manière d'Horace Vernet auquel le roi Louis-Philippe commanda la monumentale Prise de la smalah d'Abd el-Kader à Taguin le 16 mai 1843. Défait en 1847, l'émir Abd el-Kader fut emprisonné en France avant de s'exiler à Damas, en Syrie, où on l'inhuma près du théologien et maître soufi arabe Ibn Arabi (1165-1241) qui inspira toute sa vie intellectuelle et spirituelle. Le 4 juillet 1966, le rapatriement des restes du prince musulman (il est enterré dans le cimetière d'el-Alia à Alger) témoigne s'il en est besoin de la pérennité de son influence en Algérie.

Le propre des beaux et bons livres pour la jeunesse n'est-il pas de pouvoir être lus avec autant de profit et d'intérêt par les parents des adolescents auxquels ils sont destinés ? Assurément Les rois de l'horizon est de ceux-là.

Claude Darras 
(06/09/13)    
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