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Éric-Emmanuel SCHMITT

Le poison d’amour



À genoux sur le pont des Arts, face à l’amoncellement de cadenas symboliques accrochés là par les amoureux du monde entier, Julia, Anouchka, Colombe et Raphaëlle, lycéennes  en classe de première au lycée Marivaux, sanctifient leur amitié en gravant leurs initiales sur un cadenas de plus. Colombe écrit le soir même dans son  journal : « nous nous avisions avec une solennité émue que nous étions les quatre meilleures amies du monde pour toujours. »

Elles ont seize ans. Elles viennent de passer du stade enfant à celui d’adolescente et sont désorientées par la "déferlante sensuelle" de leur cœur, qui vacille, dans tous ses tremblements. Troublées par cette image d’elles-mêmes qui les accable. « J’ai essayé de m’examiner sans préjugés, je le jure ! Eh bien, franchement, en toute impartialité, je ne ressemble pas à ce que j’aime… », profère Anouchka devant son miroir avec des « Qu’y suis-je ? », désolés.
Altières et défiantes, les quatre lycéennes racontent dans leur journal intime ce désir fou de l’autre qui les embrase, cet appel amoureux qu’elles clament – chacune à sa manière.
C’est à partir de cet ancrage narratif, avec une précision rare, qu’Éric-Emmanuel Schmitt, par le prisme des journaux de quatre adolescentes, a tissé la trame de son dernier roman, Le poison d’amour. On l’avait quitté avec L’élixir d’amour, paru en mai dernier, premier des deux livres composant un diptyque sur la passion amoureuse.

Julia annonce à ses amies qu’elle a fait l’amour avec un certain Terence.
Raphaëlle, "tête de classe", est plus sereine : « Les garçons ne s’intéressent pas à moi. Tant mieux, ils ne m’intéressent pas non plus. »
Anouchka aime beaucoup "Dad" son père. Un jour, il ne rentre pas à la maison. Devenu "gay", il vit désormais avec Gaspard, plus heureux qu’avec sa femme despotique. « Mais Dad est mon père, et ce sera toujours mon père. »
Quant à Colombe, ses parents sont divorcés. Elle habite avec son père et sa belle-mère. Attirée par Lucas (ou Medhi), elle est très hésitante, mais c’est avec Hugo, un rassurant copain d’enfance, qu’elle fera l’amour pour la première fois.

L’année scolaire se met en route et va s’émailler de drames. Augustin, un camarade de classe met enceinte Marie « face d’ange aux cheveux pâles… quasiment perdue dans les couloirs de Marivaux. »
« Ces plaisirs violents ont des fins violentes » écrit Julia dans son journal.
Le professeur de théâtre, monsieur Palanquin propose que l’on monte Roméo et Juliette. Julia sera Juliette, et Raphaëlle, à défaut de garçon, sera  Roméo.
La tragédie de Shakespeare, jouée par les lycéennes, se révélera comme la mise en abyme d’un drame qui terminera Le poison d’amour après un beau suspense.

Avec l’art subtil et précis qu’on lui connaît, Éric-Emmanuel Schmitt, s’intéresse à "la confusion des sentiments" chez de jeunes adolescentes. A leurs émotions bouleversantes. A leurs soifs de conquêtes. A leurs désirs "radicaux", leurs rêves, leurs personnalités fragilisées prises de doutes à la moindre déconvenue en un cadre sociétal de familles recomposées, après avoir été décomposées et la perte de repères qui ont volé en éclats.
De ces destins entremêlés surgit un roman, à suspense, au style ciselé, patiné juste ce qu’il faut, comme ce surdoué des lettres en a l’habitude.
Ça se lit vite. Non, vraiment, n’hésitez pas.

Patrick Ottaviani 
(09/10/14)   



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Albin Michel

(Octobre 2014)
180 pages - 15 €




Éric-Emmanuel Schmitt,
né en 1960, normalien, agrégé de philosophie, docteur (thèse sur Diderot), romancier, nouvelliste et dramaturge, est l'auteur d'une trentaine de livres traduits en 43 langues. Plus de 50 pays jouent régulièrement ses pièces.



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de l'auteur :
www.eric-emmanuel
-schmitt.com




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