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Thomas RAAB L’homme, couronnement de la création, pense-t-il avec dégoût, et par couronne, il songe moins au joyau qui orne les têtes royales qu’au substitut dentaire que l’on pose sur les restes de denture gâtée. Quand il s’agit de masquer ses propres horreurs, l’individu se révèle un champion d’envergure internationale, mais dans les rassemblements de masse, l’instinct primaire ne connaît aucune pitié, la perversité et la mauvaise foi laissent échapper leurs miasmes de sous la couronne dentaire, et cela vous soulève le cœur. Willibald Adrian Metzger est restaurateur de meubles anciens et semble tout droit sorti des 26 tiroirs de la commode XVIIIe qu’il doit réparer. Ce bonhomme n’est pas de notre époque, mais ressemble plutôt à un aristocrate déchu imprégné des Lumières des philosophes. C’est aussi, évidemment un misanthrope mais un misanthrope heureux car, tout en gardant son indépendance, il aime Danjela, Célimène serbe, concierge d’un lycée humaniste et c’est réciproque. Mais comme ces deux tourtereaux sont quand même du siècle, ils vont se trouver mêlés aux sombres arcanes du milieu footballistique et vont s’embarquer non plus sur le fleuve Inclination de la Carte du Tendre mais sur celui charriant des monceaux d’immondices, celui bien pourri et bien d’actualité du foot et des milieux d’extrême droite. C’est le style alambiqué et digressif de Raab qui exprime le cheminement et les considérations tarabiscotés de Willibald, c’est cette écriture amphigourique qui le déplace, lui donne de la hauteur, le décale, en fait un personnage incongru, burlesque. On s’amuse donc beaucoup de toutes les réflexions de cet original tout en se laissant captiver par l’enquête que notre restaurateur de meubles anciens est encore une fois obligé de mener. En Autriche, ses enquêtes en sont à leur sixième volume et elles vont passer à l’écran. Pourvu qu’elles n’y perdent pas leur style et que Willibald n’y devienne pas un Louis la brocante… Parce que sa dulcinée a visiblement été trop curieuse en voulant en savoir plus sur la mort d’un brillant joueur injurié par son propre camp à cause de sa couleur, Metzger va, lui, voir rouge, la couleur de l’équipe en question. Tout en continuant à philosopher, après tout, ce qui compte c’est de ne pas sombrer dans la vulgarité ambiante, par des chemins tortueux, ce curieux personnage ajoute une tête originale à la galerie des limiers amateurs, celle d’un moraliste. Sylvie Lansade (11/12/14) |
Sommaire Noir & polar ![]() Carnets Nord 384 pages - 19 € Traduit de l’allemand par Corinna Gepner
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