Retour à l'accueil du site





Maria POURCHET

Rome en un jour


C'est samedi soir. Paul et Marguerite habitent Paris. Ils sont en couple depuis dix ans maintenant. Elle, grande, brune, gère "quelque part les ressources humaines d'une filiale de quelque chose". Lui, se cherche un peu, hésite à monter son entreprise. C'est un chouette gars doté d'un "supplément d'âme" selon ses amis. Au début du livre, Marguerite cherche un prétexte valable pour le déloger de son fauteuil et le conduire à l'autre bout de Paris sur le toit-terrasse d'un hôtel où elle a organisé son anniversaire surprise mais, assis devant un reportage animalier, il n'a absolument aucune envie de bouger : "Vers le poste où se meut un crocodile, Paul dirige la main prolongée du paquet de gâteau. Visant le nuisible, lui prend l'envie simple de dire Gogo Gadget au bras. Gogo Gadget au bras, prononce-t-il bientôt dans un petit frisson régressif. Il est bien là, Paul. C'est ce sentiment court et parfait, toujours difficile à décrire. Plus un état qu'un sentiment d'ailleurs car tout cela est avant tout physiologique, disons que chaque cellule de Paul se trouve pour une fois à sa place, heureuse de son sort dans ce corps libre et avachi et, brièvement, Paul ne manque de rien. A la rigueur, une petite pipe. Si l'on voulait être perfectionniste. A la rigueur. Voici justement Marguerite mais ne rêvons pas."

Au douzième étage d'un immeuble, attendant leur arrivée, on trouve Michel, secrètement amoureux de Marguerite, toujours en décalage dans la conversation sans trop savoir pourquoi : "Pour la seconde fois de la soirée, il fit converger vers lui des regards peinés.
– Pardon, dit Michel, songeant que c'était foutu, qu'il passerait sa vie à produire des malentendus, que jamais il ne parviendrait à se rendre durablement sympathique, bon Dieu, mais comment font les autres. Il prit de lui-même le parti de se faire plus rare dans la conversation
" ; il y a également Sabine, collègue de Marguerite qui ne rate pas une occasion de la sabrer, Benoit le discret, Alexandre : "un peu joueur, un peu pitre", Stan et Virginie, lui, chef d'entreprise, elle, future comédienne, en tout cas elle l'espère, Ariel qui travaille dans le cinéma, quelques inconnus pour les uns et les autres. Paul et Marguerite tardent à venir et progressivement, la soirée va prendre une autre tournure...

Dès les premières pages, l'auteur met en place le cadre de l'histoire sur un mode théâtral et la tension va crescendo jusqu'à son paroxysme. Dans cette tragi-comédie, elle explore en parallèle le fonctionnement d'un couple contemporain et de son réseau social avec une distance amusée et une écriture ciselée qui font mouche à chaque réplique.

Dans leur appartement parisien, Paul et Marguerite vont finir par se déchirer. Les rancœurs vont se cristalliser autour de détails et exploser malgré eux. Ce pourrait être terrible mais c'est infiniment drôle : "Paul n'est pas tout à fait sot, Paul est diplomate qui rassure le partenaire quant à l'atmosphère du foyer, sa tranquillité, son repos. Il évoque du quotidien la quiétude, le confort, la douceur. Mais la rhétorique est une tentation persistante. Tu remarqueras que je dis la douceur, souligne Paul, j'aurais pu dire la fadeur, mais non. Prétérition, synonymes, et tout le bazar, Marguerite s'en prend plein la gueule et s'en rend compte."

L'auteur alterne les scènes de vie conjugale avec les scènes de représentation sociale. A travers les discussions des amis du couple et les commentaires qu'elle glisse en aparté, elle balaie les considérations des trentenaires sur l'immobilier, l'écologie, la vie à la campagne. Elle pointe les solitudes de chacun et raille les défauts avec un art consommé de l'ironie et de la gradation.

C'est un livre léger, drôle et séduisant. On rit de la première à la dernière page. Sans doute y retrouve-t-on quelques-uns de nos travers mais mis à distance, ils en deviennent irrésistibles !

Enora Bayec 
(05/09/13)    



Retour
Sommaire
Lectures









Gallimard

(Septembre 2013)
192 pages - 16,90 €









Maria Pourchet,
née en 1980, vit et travaille à Paris. Son premier roman, Avancer, a paru en 2012 chez le même éditeur.