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Véronique OVALDÉ


La grâce des brigands


Chaque roman de Véronique Ovaldé est un voyage, un voyage dans une écriture qui lui est propre – alternance de phrases parfois très longues, déroulant les circonvolutions d'une argumentation ou les détails d'un dialogue, et de phrases très brèves avec un sens magnifique de la formule et de l'autodérision – mais aussi voyage dans la géographie de l'auteur reliant des contrées imaginaires à des lieux bien réels. C'est aussi un voyage dans le temps puisqu'il faut remonter dans l'enfance ou les générations précédentes pour comprendre le présent des personnages.

L'héroïne de ce nouveau roman est Maria Cristina Väätonen, écrivain installé à Santa Monica en Californie, auteur d'un roman autobiographique, La vilaine sœur, qui connaît un grand succès.

Mais que fait cette Väätonen à Los Angeles ? D'où vient-elle ? Qui est-elle ? Comment est-elle devenue écrivain ? Pourquoi a-t-elle écrit La vilaine sœur ? Comment a-t-elle réussi à publier son premier livre ? Qui a-t-elle rencontré ? Voilà ce que nous raconte Véronique Ovaldé au fil des chapitres.

Le père de Maria Cristina, Liam Väätonen, est issu d'une famille finlandaise qui a émigré au Nunavut, un territoire du Nord canadien. Maria Cristina ne comprenait pas pourquoi ces Finlandais s'étaient donné tant de mal pour trouver un endroit qui ressemblait autant à celui qu'ils avaient quitté. Un endroit avec les mêmes sinistres caractéristiques : froid polaire, voisinage clairsemé et animaux anthropophages.
Liam Väätonen, un costaud qui n'a jamais appris à lire, décide assez vite de quitter une région dont il n'a rien à attendre. Il veut aller à Vancouver mais se trompe de train et se retrouve dans la région de Toronto, à Lapérouse, près de la rivière Omoko (ne cherchez pas dans vos atlas, il y avait déjà une rivière Omoko dans Et mon cœur transparent et ce n'était pas la même).

En arrivant à Lapérouse, ce solide gaillard n'a pas de mal à rencontrer une jeune fille qui désire l'épouser. C'est Marguerite Richaumont, la fille d'un fabricant de papier, qui s'en empare la première et lui donne deux filles dont il n'avait guère envie.
Le récit familial (dans la maison "rose-cul") est une part importante du roman et un grand moment d'écriture ovaldéenne. Le père un peu fruste qui travaille dans une imprimerie et apprend à lire en cachette, la mère qui dérive vers une folie mystique et les deux filles qui ne cessent de se chamailler, jusqu'au jour où Maria Cristina, entraînant Meena dans un endroit où elle a un accident, devient "la vilaine sœur".

Ce qui va sauver Maria Cristina, c'est son goût pour l'école et pour la lecture. Cette dernière passion, ça ne faisait pas un pli, l'entraînerait loin de Lapérouse, puisque les livres servent, comme on le sait, à s'émanciper des familles asphyxiantes.

À seize ans, elle obtient une bourse pour une université américaine et se retrouve à Los Angeles. Pas très motivée par les études, elle n'a déjà qu'une idée : écrire. Joanne, sa colocataire, a du mal à comprendre. Joanne lui demanda tout de suite, Mais tu veux faire quoi dans la vie toi ? et Maria Cristina répondit, Je veux écrire, et Joanne dit, Des poèmes, des chansons ? et Maria Cristina dit, Des romans, je veux écrire des histoires, je veux écrire des livres et Joanne dit, Tu ne peux pas écrire des livres, il ne t'est encore rien arrivé.
Elle ne peut pas imaginer que les seize années à Lapérouse, jusqu'à l'accident de sa sœur, ont fourni à Maria Cristina suffisamment de matière pour un roman autobiographique qui connaîtra un grand succès. Mais écrire est une chose et publier en est une autre.

C'est alors qu'a lieu la rencontre avec un autre personnage clé du roman, Rafael Claramunt, un auteur un peu oublié, devenu obèse, qui entretient sa légende d'écrivain nobélisable, vit dans le luxe, disparaît parfois sans prévenir...
Rafael Claramunt cherche une secrétaire, la jeune fille se présente et l'accueil n'a rien de chaleureux : Quand elle sonna et qu'il vint lui-même lui ouvrir, il la regarda de haut en bas et lui dit, Vous n'êtes pas suédoise. Et Maria Cristina se sentit minuscule et brune et lapone. Elle obtient tout de même l'emploi, et plus car affinités. Elle est tout de suite fascinée et séduite par cet être étrange et attachant, moitié Pygmalion, moitié escroc.

Un coup de téléphone va ramener Maria Cristina à Lapérouse bien des années plus tard. Un autre voyage...

Tous les ingrédients d'un grand roman de Véronique Ovaldé sont réunis et il ne passera pas inaperçu dans cette rentrée littéraire comme dans le parcours de l'auteur. Les lieux, les personnages, les relations entre les uns et les autres, et la manière très personnelle dont tout cela est écrit, en font une fois encore, un grand bonheur de lecture.

Serge Cabrol 
(05/09/13)    



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Lectures








Editions de l'Olivier

(Août 2013)
288 pages - 19,50 €





Véronique Ovaldé,
a déjà publié huit romans.Ce que je sais de Vera Candida a obtenu le prix Renaudot des Lycéens, le prix France Télévisions 2009 et le Grand prix des lectrices de ELLE 2010.





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le précédent roman
du même auteur :

Des vies d'oiseaux