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Sabine NORMAND

Vivant parmi les vivants


Les humains, les pauvres humains
Sont bien à plaindre à la fin
Pourtant les anges du ciel
Echangeraient leurs deux ailes
Pour porter nos têtes folles
Danser notre farandole
Et puis finir comme des chiens
J'y comprends rien, rien


(Extrait de La danse la moins jolie,
une chanson de Félix Leclerc)

Le souffle, ténu, l'espoir, malgré tout, se faufilent entre les pages de ce petit recueil de six nouvelles. La page blanche, au verso de chaque page imprimée, comme une plage de respiration, un appel d'air. La maison d'édition ne s'appelle-t-elle pas "Souffles" ?

Malgré une vie de chien faite de misères physiques et morales, chacun des six pauvres humains de ces nouvelles, dans un langage à son image, trivial, part en quête de souffle. Pauvre âme encore animée du désir de vivre, d'aimer, de courir, de sentir les herbes chaudes frôler ses jambes nue. [...] sentir, lui aussi la neige sur ses lèvres.

Un moribond rêve de coucher sur un matelas d'herbes et de fesses voluptueuses.
Une petite vieille percluse de douleurs s'étalerait bien par terre pour être emmenée sur une civière tenue par deux jeunes hommes musclés, beaux et musclés, qui sentiraient la lessive, la lavande parfumée du matin.
Une mère de famille, épuisée par sa marmaille, comme une ado, vole des culottes. Une couleur pour chaque jour. […] Des vertes pour les grands chemins, quand la liberté est à deux doigts du paradis. Elle s'imagine en dessous entièrement roses. Ainsi son cul aura la couleur du bonheur. La couleur des jours clairs comme l'aube sur les joues des jeunes filles.
Madeleine, la vieille grenouille de bénitier, est le clou de cette galerie d'humbles, d'oubliés, de malheureux. Elle, elle parle à Dieu et il lui répond. Mais en faisant le bilan de sa vie d'esclave, tout à coup, elle veut une vie à soi et considère que ça suffit, que c'est le Seigneur qui devrait la remercier, après tout ce que j'avais fait pour lui !

On se reconnait dans ces dérisoires destins, dans cet angoissant sentiment de passer à côté de la vie. C'est pour ça, que nous aussi, on veut partir retrouver les odeurs du matin, des sous-bois, de l'herbe mouillée. Le goût du bonheur persiste au travers des lignes cruelles et désespérées de ce recueil, bouquet vivant qui lui ne fanera pas comme le bouquet que la femme de la nouvelle Belle Plante jette rageusement. Mais il lui a servi de détonateur : rester vivante. C'est décidé. Résolution de février. Se couper les tiges et acheter de belles jaunes, de belles roses. Pour moi, rien que pour moi.

Sylvie Lansade 
(18/04/14)    



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Éditions Souffles
(Monpellier, 2013)
84 pages - 12 €



Ce recueil a reçu le Prix Gaston Baissette 2013 remis par l'Association des Écrivains Méditerranéens





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