Retour à l'accueil du site | ||||||||
La journée commence plutôt bien. En tout cas, pas vraiment moins bien qu'une autre, malgré quelques incidents au petit déjeuner. Et puis, il y a surtout l'immense espoir d'une merveilleuse amélioration. C'est le dernier jour de travail pour Délia qui sera dès demain en congé parental pendant trois ans pour s'occuper de leurs trois filles, Albane qui est encore bébé, Flore et Éloïse qui vont à l'école. Jérôme n'est pas aussi enthousiaste qu'elle mais il ne s'y est pas opposé. Demain, tout sera pour le mieux dans le meilleur des mondes. C'est ce qu'on peut supposer dans les premières pages. Mais peu à peu, l'auteur distille les indices d'une effroyable tragédie en gestation et la tension du livre monte, de chapitre en chapitre, jusqu'à la limite du supportable Le roman se déroule sur une journée, cette dernière journée avant le congé parental, une journée qui va changer le reste de sa vie. On y suit en alternance Délia, Jérôme et quelques personnages secondaires dont l'un surtout sera pour le lecteur comme Cassandre, annonçant le malheur sans pouvoir l'empêcher. Avec une très grande subtilité, dès les premières lignes et le réveil de Délia, l'auteur décrit par petites touches le tempérament de chacun et la relation déjà un peu usée qui les unit après dix ans de mariage. Ils ont tous les deux donné une grande importance à leur vie professionnelle. Délia peut contempler sur la table de nuit le réveil en porphyre, trophée de la meilleure commerciale qu'elle a obtenu en 2006. Jérôme, lui, est dans le combat, la rivalité, la concurrence. Il doit présenter ce matin un rapport important devant le comité de pilotage de son entreprise mais il sait déjà que d'autres vont lui mettre des bâtons dans les roues, tenter de l'écarter pour prendre sa place. C'est la guerre. Il va se battre ! Une fois encore, Délia a oublié de préparer le goûter
que Flore doit emporter à la maternelle parce que c'est son jour pour
son groupe. Et elle vient de se souvenir qu'elle doit prendre la voiture pour
rapporter l'olivier qu'on va lui offrir pour son départ. Pas question
de se trouver dans le RER avec un arbre dans les bras. Jérôme est
furieux. Elle oublie tout, elle ne prévoit jamais. A la maison aussi, c'est la guerre, leur guerre, sans armistice, sans crier gare, sans fin et sans raison. Et Délia aspire à la paix. A partir de demain, elle aura le temps le temps d'écouter les enfants, de ne rien oublier, de s'occuper de la maison Chacun rejoint son entreprise. Nous accompagnons Jérôme pendant sa réunion et Délia dans son bureau où elle range ses affaires et prépare son départ. Un départ peut-être définitif, difficile de savoir si elle pourra retrouver sa place dans trois ans La journée passe Et l'auteur introduit peu à peu, d'une écriture fine, délicate, diablement efficace, les grains de sable qui vont atrocement gripper la belle machine familiale qui s'est mise en route dès que Délia a ouvert les yeux Isabelle Marrier nous entraîne, une fois encore (voir l'article sur La rencontre ), dans un roman profondément humain et affreusement douloureux. C'est un livre bouleversant, dont chaque phrase est d'une parfaite justesse, dont chaque mot est choisi avec soin pour que le non-dit se révèle lentement comme un poison qui se répand tout doucement dans un organisme vivant pour le paralyser, l'asphyxier, le détruire. Un beau livre, un grand talent.Serge Cabrol (20/06/14) |
Sommaire Lectures Flammarion (Mars 2014) 144 pages - 15 €
Découvrir sur notre site un autre roman du même auteur : La rencontre |
||||||