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Marie-Hélène LAFON


Joseph


Marie-Hélène Lafon nous emmène de nouveau au cœur du Massif central : « Les bêtes mouraient mais pas les prés, pas les terres, pas la rivière, tout se conservait et il avait beaucoup à penser. La Santoire, par exemple, il était né au bord, il avait vécu là, pas loin, dans sa vallée ou autour, il l'avait entendue souvent la nuit et connaissait toutes ses saisons, un peu comme si elle avait coulé à l'intérieur de lui. »

Nous faisons connaissance avec Joseph Rodde, ouvrier agricole de 58 ans, qui vit dans la ferme de ses patrons. Il se révèle peu à peu à nous, « paysan solide » comme le qualifie Sylvie, une femme qu’il a rencontrée. Nous vivons avec lui et avec sa solitude : « Joseph avait eu un trou dans sa vie, au milieu, entre trente-deux et quarante-sept ans ; il y pensait comme à un fossé plein de boue froide avec des bords glissants où il serait tombé en sortant du café, et rien pour s'appuyer, rien à quoi se tenir. » Il a vécu chez différents patrons. Les relations sont parfois rudes, parfois respectueuses.

Joseph est méticuleux, très organisé, un peu obsessionnel. Il a vécu avec sa mère puis il est parti vivre dans différentes fermes après le départ de sa mère chez son frère.

L’écriture de Marie-Hélène Lafon, toujours aussi incisive, se déroule en phrases qui se dévident d’un écheveau, celui de la vie de cet homme qui est parfois cahoté par la douleur et sombre dans l’alcool, fuite illusoire pour oublier sa solitude et ce dont il a été témoin, et que nous découvrirons à la fin du roman : « Il a reçu des coups perdus et ensuite on l'a regardé de travers parce qu'il avait vu ce qui doit rester caché dans le secret des familles. »

Marie-Hélène Lafon creuse son sillon, celui de l’exploration du monde paysan avec ses solitudes, ses secrets, son mutisme.

Un roman très fort, très humain avec une écriture qui nous transporte et nous émeut avec des expressions propres à cet univers paysan : « Il se finirait dans cette ferme, pour la retraite il irait dans une maison de Riom où étaient les vieux comme lui. » « Il se tiendrait dans son chaud. » « Il faut fréquenter, et faire maison. » « Joseph n’a pas fait maison, les gens comme lui ne font pas maison. »

Et la syntaxe propre à Marie-Hélène Lafon nous étonne et nous ravit toujours.

Brigitte Aubonnet 
(11/09/14)   



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Lectures



Buchet-Chastel

(Août 2014)
144 pages - 13 €


Folio

(Février 2016)
128 pages - 6,50 €





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