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Salomon de IZARRA

Nous sommes tous morts



Le démon des glaces

« Lovecraft pas mort », voilà la première pensée – cohérente – qui vient à l'esprit après avoir refermé le court roman de Salomon de Izarra. Dans ce récit fait de pure horreur et qui renvoie aux peurs ancestrales et à la folie intrinsèque de l'homme, Howard Philipps est partout en filigrane. Le titre, en forme d'assertion définitive qui semble nous interpeller au-delà de l'argument du roman, est décliné sur la jaquette des éditions Rivages dans des bleus craquelés qui évoquent la glace des pôles.

Dans les glaces, nous y sommes. 1927. Nathaniel Nordnight s'embarque à bord du Providence. Il est le second du baleinier, commandé par le dévot Sogarvans. Après une tempête formidable, le bateau est pris dans des glaces qui le dévorent peu à peu, mais inexorablement. Impossible de reprendre le voyage, impossible de lutter contre les « tentacules » glacés qui s'infiltrent partout et figent l'équipage hors du temps et hors de l'espace. Les « Limbes », c'est ainsi qu'est qualifié ce monde intermédiaire dans lequel se débattent les marins.

Un monstre apparaît, tout à coup, grand « comme une cathédrale », et puis il n'en est plus question. Le piège qui se referme autour des hommes prisonniers loin de tout est autrement plus terrifiant. Il se cache en eux. Comment survivre sans vivres ? Le cannibalisme, motif central du roman, est envisagé sous l'angle de la dernière – et seule – solution. On ne tire même pas-z-à la courte paille, le plus jeune des hommes d'équipage meurt sans qu'on l'assassine, et on va le manger. En ragoût.

Ce roman, de facture très classique – il s'agit du récit du dernier survivant du baleinier, qui essaie de décrire l'horreur factuelle et mentale de l'équipée – n'engendre chez le lecteur aucune surprise. Le renversement du monstre extérieur à la monstruosité intrinsèque est rendu avec talent, mais avec un talent de copiste. Pourquoi refaire du Lovecraft, en 2014 ? Là est la question, peut-être, que pose Salomon de Izarra. L'hommage rendu à H. P. L. cache, sans doute, une recherche de révélation contemporaine.

Nous sommes tous morts ravira les amateurs de sensations fortes et de textes courts. Il permettra aussi, aux plus jeunes, une première approche tout à fait estimable du genre horrifique, sans passer par la case « YA » (Young Adult). Salomon de Izarra est né en 1989, Nous sommes tous morts est son premier roman. Attendons le second pour nous prononcer véritablement.

Christine Bini 
(14/06/14)    
Lire d'autres articles de Christine Bini sur http://christinebini.blogspot.fr/



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Rivages

(Mai 2014)
134 pages - 15 €