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Karine GIÉBEL


Satan était un ange



Deux hommes, aussi dissemblables que possible, vont voyager ensemble pendant tout le roman. Leur seul point commun : être tous les deux, pour des raisons différentes, poursuivis par la mort. Le résultat est un thriller haletant, très réussi, plein de rebondissements et d’émotion.

François Darvin, avocat d’affaires à Lille, la petite cinquantaine, habitué au luxe et au confort, découvre brutalement qu’un grave problème de santé ne lui laisse plus que quelques mois à vivre. Le ciel lui tombe sur la tête. Sa compagne, propriétaire d’une galerie d’art, est en déplacement à Bruxelles. Sans enfant, il ressent une immense solitude. Il éprouve aussi un irrépressible mélange de peur et de colère.

Impossible de rester tranquillement dans un fauteuil à digérer la nouvelle. Sans réfléchir davantage, il lui faut agit, bouger, faire quelque chose, n’importe quoi.  Il prend cette superbe BMW dont il est si fier, un des symboles d’une réussite aussi éclatante que vaine aujourd’hui,  et il file vers le sud.

Ne plus entendre le temps qui passe, aussi impitoyable qu'indifférent.
Rouler, droit devant, en ignorant les bretelles de sortie, les aires de repos, les chemins de traverse. Pas le temps, plus le temps.
Rouler, encore et encore, même s'il ne sait pas où il va.
Si, il sait.
Droit dans le mur. Droit vers la mort.

Après des heures de route, le cerveau toujours agité de pensées contradictoires, de souvenirs confus, il dépasse Lyon quand, soudain, dans la lumière de ses phares, une silhouette se détache sur le bord de la route. Un homme marche d'un pas pressé, tout en faisant signe aux voitures de s'arrêter. Un auto-stoppeur sur une voie rapide, à cette heure-là, c'est vraiment étrange. Il a dû se faire surprendre par le déluge...

Sans savoir pourquoi, il s’arrête et laisse monter l’auto-stoppeur, sans doute parce que, justement, il ne l’aurait pas fait en temps normal et que là, rien n’est plus comme avant. Il n’a plus rien à perdre et rien à gagner. La partie est finie.

Le jeune homme n’a qu’un sac à dos et aucune destination précise.
– Du moment que je me barre de cette ville, ça me va !

Et voilà constitué l’étrange tandem que nous allons suivre pendant trois cents pages.

Paul n’a rien du petit jeune homme tranquille. Violent et déterminé, un pistolet dans la poche, le sac à dos plein de drogue et de secrets, il fuit aussi la mort, traqué par des tueurs qui ont de sérieuses raisons de vouloir les récupérer, son sac et lui.

Tout cela, François, comme nous, va l’apprendre peu à peu mais il va en même temps découvrir qui est réellement ce garçon et, contre toute attente et toute raison, continuer la route avec lui.

Chacun des deux aurait mille raisons de quitter l'autre. Paul envisage un moment de  dévaliser François, partir avec la voiture et la carte bleue dont il a pu noter le code à une station service. François a plusieurs occasions de filer en abandonnant à ses problèmes ce petit voyou dont la fréquentation s'avère aussi dangereuse qu’un chargement de dynamite. Mais, à chaque fois qu’ils en ont la possibilité, ils y renoncent, pour des raisons différentes,  mais sans doute, dans les deux cas, par peur de se retrouver seul face à la mort.

Peu à peu, entre deux scènes bien mouvementées, ils parlent, se racontent et le lien complètement improbable qui les unit se renforce un peu plus.

Jusqu’où iront-ils ainsi ? Quand la mort réussira-t-elle à les rattraper ? Qui tombera le premier ? Ce sont les questions qu’on se pose sans cesse, bien sûr, mais le plus passionnant est la construction lente et patiente de ce lien hors norme qui les attache peu à peu l’un à l’autre, comme un fils à son père et réciproquement.

Le chapitre où Paul finit par baisser un peu la garde et accepte de raconter sa vie à François est un grand moment d’émotion. Karine Giébel s’y entend à merveille pour distiller les informations au compte-gouttes, créer un suspense bourré de rebondissements et  manier l’émotion avec virtuosité. Du grand art ! Un roman à ne pas manquer pour ceux qui aiment dans le polar ce qu’il révèle du monde où nous vivons, son aptitude à fouiller au fond des âmes et confronter sans juger.

Serge Cabrol 
(11/12/14)    



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Noir & polar









Fleuve Noir
(Novembre 2014)
336 pages - 18,90 €




Pocket
(Novembre 2015)
380 pages - 7,30 €









Karine Giébel,

a déjà publié huit romans noirs et obtenu autant de prix littéraires. Ses livres sont repris chez Pocket.



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