Sur le bord d'une route bien rectiligne et interminable du Nevada, se dressent
une station d'essence et un motel.
Aucune des chambres du motel n'est occupée. Les pompes à essence
n'ont accueilli depuis la tombée de la nuit aucun véhicule. Seul
William Henri Ranney veille.
Des coyotes ont flairé l'apparent abandon de la station et s'approchent.
Ranney, depuis le temps, connaît leur manège. Muni d'une barre de
fer, il se rend derrière les lieux, là où commence le désert,
et frappe violemment sur les poubelles en métal pour les éloigner.
Sur la route les phares d'une voiture (une Mustang) se dirigent vers le motel
; mais soudain sur cette route pourtant si droite, le véhicule effectue
une embardée et plusieurs tonneaux. Le bruit de l'accident et les cris
d'une femme déchirent le calme du désertique lieu.
Ranney se précipite et a le temps d'extraire une jeune femme avant que la voiture ne
s'enflamme.
Ainsi commence le roman Mustang de Frédéric Doré.
Nous ignorons qui est cette femme et ce qu'elle faisait à une heure aussi
tardive sur une route aussi déserte.
Ces questions resteront en suspens jusqu'aux dernières lignes de ce court
roman. Car dès le second chapitre apparaît un narrateur qui n'a
rien à voir avec cette route du Nevada et ce pompiste sauveur de belles
inconnues.
Nous sommes à Manhattan dix mois avant le drame. Le narrateur, un jeune
ingénieur, travaille dans un bureau d'études spécialisé
dans la réalisation de futurs voyages dans l'espace destinés à
des touristes fortunés.
À la direction technique de cette start-up est nommé un certain
Balandier, un Français qui de l'avis de tous, dans ce domaine où,
pourtant les QI explosent les statistiques, est l'un des plus doués.
Le hasard a bien fait les choses, car notre jeune ingénieur se retrouve
ainsi face au personnage qui a influencé sa carrière et qu'il
admire sans retenue : Je me souviens très précisément
du premier article que j'ai lu sur lui. Je rentrais de la piscine et ma mère,
comme chaque mois, m'avait rapporté Science et vie. (
) Vautré
sur mon lit, les cheveux encore mouillés, j'étais tombé
sur la photo d'un jeune homme tenant un diplôme, visage régulier
tourné vers l'objectif, un peu ébloui par le flash, l'air détaché,
blazer et cravate impeccables. L'article précisait que Balandier avait
gagné un prix aux États-Unis. Cette image m'avait fasciné.
Balandier incarnait tout ce que je rêvais d'être un jour. (
)
S'il évoluait dans un autre monde, le fait qu'il soit français
me l'avait rendu proche, presque accessible, m'avait donné l'impression
qu'un lien intime venait de se créer entre nous. Balandier était
ma rock star. Je n'avais pas son poster dans ma chambre, mais presque.
Effectivement, des liens se créeront entre ce génial supérieur
et notre admiratif narrateur.
Des liens qui les entraîneront jusqu'à d'intimes confidences.
Sur le poster en papier glacé de Balandier, le narrateur découvrira
les inévitables failles humaines que chacun porte en soi derrière
les voiles de la pudeur.
Pour clore la boucle, nous nous retrouverons dans le Nevada, près d'Hidden
Valley, au carrefour de deux routes désertes pour l'ultime confidence
et les révélations sur la jeune femme roulant en Mustang vers
son destin.
Frédéric Doré, diplomate, vit actuellement aux États-Unis
; il nous offre avec Mustang, un premier roman touchant qui nous promène
de l'ambiance agitée des bureaux de Manhattan aux longues routes des
déserts du Nevada, ainsi que dans de paradisiaques îles de la côte
Est. Tout cela avec pour toile de fond une Amérique touchée par
les premières secousses de la crise de 2008.
David Nahmias
(14/02/14)
Visiter le site littéraire de David Nahmias : Les Trompettes Marines